- Vos messages m'ont émoustillé. Vous croyez vraiment à cette histoire ?
Je m'assois et commande un
café. J'attends que la serveuse, une nouvelle, me l’apporte en
savourant mes effets. Pour une fois que Slimane semble demandeur,
j'en profite.
- Oui, je suis maintenant convaincu que tout cela vient de la guerre d'Algérie.
- Même la mort des gosses ?
Il m'a demandé cela d'une
voix douce et je baisse moi aussi la voix :
- Indirectement, j'en suis persuadé.
Et je lui raconte ma
version des faits. Il m'écoute, laissant son regard s'égarer sur le
fleuve. Évidemment, je m'avance un peu dans mes conclusions, lui
donnant l'impression de tout savoir, alors que je rame méchamment.
Par instant, il pose quelques questions judicieuses et aimerait tout
connaître de nos sources d'informations.
- Franchement, je ne vois pas l’intérêt pour vous de connaître ce genre de renseignements.
Il a ce petit sourire qui
plaît tant à Michel. J'ignore la provocation pour continuer, mais
il m’interromps :
- N'oubliez pas ces enfants assassinés ;
- Je ne les oublies pas.
J'ai répondu
machinalement, puisque l’honnêteté me pousse à avouer que je me
fout royalement de tous ces cadavres qui s'accumulent sur notre
route. Oui, j'ai honte parfois, même si cela ne dure jamais trop
longtemps. J'aimerais tellement éclaircir ce sac de nœud.
- Alors, vous pensez sérieusement que c'est vous qui étiez visés lors de cette fusillade ?
Il y a tellement de mépris
dans cette voix que je me tasse imperceptiblement sur ma chaise.
- Pourquoi le bijoutier aurait-il demandé à son homme de main de vous abattre ?
- A cause de l'Algérie.
Il me regarde longuement :
- Il avait peur de ce que vous alliez découvrir ? C'est plausible ça ?
Je sais bien qu'il a
raison, pourtant quelque chose me dit que c'est bien comme cela que
cela c'est passé.
- Il savait que nous allions avancer...
- ?
- Vous oubliez qu'il est très proche de Claire, et que cette dernière désespérait de la lenteur de la police. Il suivait nos recherches pas à pas et quelque chose dans nos trouvailles lui aura fait peur.
- Et il savait que vous alliez remonter jusqu'à lui ?
Son ironie me déplaît de
plus en plus, pourtant je ne peux m’empêcher d’éprouver de la
sympathie pour lui. Je sens que l'on peut compter sur lui.
- Nous avons notre petite réputation dans la région.
Il sourit, mais gentiment
cette fois. Et j'en profite pour en venir au but de ma visite :
- Vous m'avez parlé de « témoins en or », qu'en est-il ?
- Je connais beaucoup de monde, le savez-vous ?
Il m'agace d'un coup :
- Pas les mêmes que moi.
- A en juger par l'ami que vous m'avez présenté, je préfère. Bon, passons, en posant mes questions dans la communauté Algérienne, j'ai trouvé un homme qui a bien connu Ali et Rigaux.
Je sursaute.
- Où est-il ?
Slimane a une moue
désolée :
- A l’hôpital.
- Décidément ! On peut le voir ?
- Je ne pense pas. Il va être rapatrié en Algérie...Pour mourir.
Merde ! Si l'on ne se
magne pas le train, tous nos témoins vont claquer avant que nous
ayons compris quelque chose dans ce merdier. Slimane me rassure en
m'expliquant que son témoin a fait partie de la petite bande de
traîne-savates qui fricotaient avec les militaires dans tout
l'Oranais.
- Ali était, parait-il, un organisateur hors pair. Dadi, mon témoin était plutôt chargé de protéger les transactions. Il faut dire que c'était une force de la nature. Il a souvent accompagné Rigaux lorsqu'il transportait des pierres précieuses. Ils avaient le même age et beaucoup de points communs. Lorsque le FLN a abattu Ali, c'est Rigaux qui a aidé Dadi à fuir.
Il me regarde de l'air de
quelqu'un qui va vous asséner un coup de massue :
- Avec l'aide de Guerin.
- Votre ami connaissait donc Guérin.
Cette fois il rit
franchement :
- Évidemment. Et il m'a longuement parlé de leur fille.
Je reste con :
- Il vous à parlé d'Alice ?
Je suis sidéré. Cette
fille revient dans toutes les conversations. Plus de cinquante ans
après sa mort.
- Que vous a-t-il dit dans le détail, au sujet de cette femme ?
Il regarde le plafond
longuement, comme si la réponse devait se trouver au ciel !
- Il m'en a parlé comme en parlerait un homme amoureux, je suppose. Après un temps, il ajoute : « Avez-vous déjà été amoureux, vous même ? »
Merde, il ne veut tout de
même pas que je lui parle d'Emma. Je décide de revenir à notre
sujet avant que cette discussion ne nous entraîne trop loin. Mais je
me promet de revenir fouiller du coté de cette Alice qui a marqué
tous les esprits.
- Votre type vous a t-il rapporté des choses pouvant servir à notre enquête ?
Slimane prend soin temps,
semblant réfléchir à quelques détails importants. Il doit
certainement se remémorer la mort de son frère et désire employer
les mots justes.
- Il m'a soigneusement détaillé le système. Mais ce qui est intéressant, c'est que ce système à perduré en France.
- En France ?
- Oui, jusque dans les années 80.
- Avec Guérin ?
- Guérin, Garde, Malboso et quelques autres. Ils trafiquaient avec les grands pays producteurs de diamants, mais tout passait par la Hollande. Malheureusement pour vous, Dadi avait quitté depuis bien longtemps l'organisation...
- Il est devenu honnête ?
Slimane ignore mon
interruption et poursuit :
- En fait, tous ces jeunes gens avaient pas mal de sujets de discorde.
Pour moi, la messe est
dite. Depuis que je sais qu’Ogier était vivant dans les années
80, les crimes de vengeance me semblent évident. Mais, pour quel
motif ? La haine de l'armée et de la guerre ? L'argent ? L'amour ?
L'honneur ? Un peu de tout cela, tout simplement.
- Vous me semblez bien moins pressé de vous venger, il me semble.
- Nous avons le temps. De toute façon, Jonas a disparu et je suis curieux de voir jusqu'où vous allez aller dans votre enquête.
Mais, c'est qu'il se
foutrait de moi, l'animal ! Malgré tout, c'est bizarre, pour des
gens qui se disaient prêts à tuer la terre entière au nom de
l'honneur, de ne plus être aussi pressés que cela. Je me lève
songeur.
- Je vais essayer de rencontrer Rigaux rapidement.
Et je pense qu'il va me
falloir retourner à Nyons dans les plus brefs délais. Comme il pose
sur moi un regard interrogateur, j'explique :
- Tout nous mène chez les Guérins, que cela soit en 60, en 81 ou aujourd'hui. Nous n'avons pas été assez « pugnace » la dernière fois.
Il se lève à son tour et
nous sortons ensemble. Avant de nous séparer après avoir franchi la
passerelle, il me dit que nous devons nous occuper de Guérin pendant
que lui, « s'occupera de Jonas et Rigaux »
- J'ai promis à Rigaux...
- Tss, tss, je n'ai rien promis moi.
7 commentaires:
... si si t'as promis de nous raconter la suite, alors rendez-vous au prochain numéro !
Alors mon petit "Claude Monet" quand passes-tu chez Drucker ou Ruquier ? bies...La suite viendra...Malheureusement !!!
Alors mon petit Simenon, quand est-ce que tu passes dans apostrophe...
Alice... Alice... je ne sais pas pourquoi, mais j'ai le pressentiment que c'est encore à cause d'une gonzesse que nous sommes plongé dans les arcanes de cette sombre histoire !!.....
Un artiste multi-talent et un roi de la glandouille...Avec des lecteurs comme cela, je suis le plus chanceux des bloggers !
...depuis le temps que Phyll et moi on te le serine...
... amen !!... ;o)
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