dimanche 13 mars 2011

Episode 17

17.

Midi n'étant pas loin, le bar s'est un peu vidé. Les deux vieux, ceux que nous avions vu sortir du Clos pendant notre conversation avec le directeur, ont le regard pétillant en nous voyant nous approcher. Michel les interpelle : « On peux s'assoir ? » Les deux pensionnaires nous reluquent quelques secondes avant que le plus maigre ne désigne la bouteille que Michel tient dans ses mains. « Si vous nous prenez par les sentiments ! » Tout le monde rigole et nous voilà attablés avec deux pochetrons de première bourre. On se croirait chez Roger, sauf que là, pardon, mais les pots tombent à la vitesse de la lumière. Nous ne jouons plus en amateurs, nous sommes passés chez les pros. J'ai rapidement du mal à articuler, et Michel a la voix pâteuse, alors quand Boris, l'un des vieux, se met à gueuler « Merde, on a raté la soupe », nous nous empressons de demander au patron d'apporter toute la charcuterie qui traine dans ses frigos. « Vous voulez du fromage, aussi ? », et comme nous acquiesçons, Maurice l'autre vieux dit en riant : « N'oubliez pas le pinard ! »
Manger nous permet de retrouver un peu de lucidité. Assez pour poser quelques questions vitales. Questions vitales qui nous apportent des réponses essentielles : nos deux vieux ne connaissaient ni Pauline, ni Abdul, ils se font chier comme des rats morts dans leur maison, dont ils n'apprécient guère les deux dirigeants et « si c'était pas trop demander », ils reprendraient bien une chopine. Après de tels rebondissements, nous allons mettre les bouts, et accessoirement, je me demande pourquoi vous vous obstinez à lire d'autres polars !

Nous allons partir, la tête lourde et l'haleine chargée quand Boris ajoute rieur : « N'écoutez pas trop ce que dit Maurice, il est jaloux parce que nous ne sommes jamais invités aux fiestas. » « Quelles fiestas ? » Nous nous rasseyons et les deux fieffés renards ont le regard qui pétille. Nous comprenons le message, et le patron ramène des bouteilles. « Quelles fiestas ? » Mais ils font durer le plaisir, les monstres, et j'ai peur que Michel ne commence sa distribution de baffes, alors j'essaye de me faire persuasif : « Oh les anciens, vous avez décidé de nous casser les couilles longtemps ? » Alors, ils se concertent du regard et Boris nous explique que des « soirées très animées » sont organisées au Clos. « Chaque semaine en fait. Nous, on est toujours par les routes, alors, rien ne nous échappe. On voit rentrer de belles voitures. » « Et des femmes ! », ajoute l'autre vieille guenille. Nous les regardons perplexe. Par rapport à nous, ils paraissent frais comme des gardons. « Qu'est-ce que vous voulez nous dire, là ? » Boris, ou peut-être bien Maurice, allez savoir, nous répond, comme s'il répondait à des demeurés : « Ben quoi ? Z'êtes bouchés ? Vous cherchez une jeune fille. Vous retrouvez sa trace dans un petit château où ont lieu des « soirées spéciales » et il vous faut un dessin ? » Il se tourne vers son collègue pour ricaner : « Y'a pas à dire, mais ces jeunes, ils n'ont pas pour deux sous de jugeote. » « Boivent pas assez », conclut l'autre en riant. Nous préférons les laisser à leurs élucubrations, non sans avoir demandé au patron de remplir leurs verres. « Sacrés numéros, hein ? » Nous en convenons et nous dirigeons vers le logis de Rodolphe Petit, le sous-directeur du « Clos ». Chou blanc de nouveau, alors nous allons rentrer à la maison. Une bonne sieste me remettra peut-être d'aplomb. Mais Michel veut profiter de notre proximité géographique pour aller « titiller le beau-père », comme il le dit gentiment. Je rechigne un peu : « Faut pas déconner, ils sont dans la douleur. » « Justement », me dit ce monstre, « nous pourrons plus facilement les faire parler. » Je connais Michel, alors je n'insiste pas. Je pose ma tête contre la portière pour somnoler un peu. « Cette histoire de fiestas, de partouzes bourgeoises, si tu veux mon avis, ça peut être une piste intéressante, non ? » Trop tard, Michel, trop tard, je dors.

3 commentaires:

DAN a dit…

Y'a pas, faut avoir de la santé pour faire un métier comme ça ! Travailler jusqu'à pas d'heure, et les 35 heures alors, qu'en font-ils ?

phyll a dit…

demain soir, on va boire une tasse entre "vieux" potes !!....mais derrière le comptoir, point de Roger mais une belle jeune femme !!!.... Martin n'y résisterait pas !!!.....

DAN a dit…

Super impeccable les lettres noires sur un fond gris, ça repose les yeux que s'en est un vrai plaisir de lire le texte !