dimanche 16 janvier 2011

Episode 09

9.

Dans la voiture qui nous ramène vers la Croix-Rousse, j'admire ma ville sous le soleil d'automne. Nous longeons les quais du Rhône, complètement débarrassés des parkings qui les enlaidissaient, aujourd'hui domaine des vélos, patins, rollers et autres landaus et déambulateurs. Les Lyonnais se sont complètement appropriés ces lieux, pour en faire sur plus de quatre kilomètres un espace joyeux et familial. « Vivement qu'ils fassent pareil sur la Saône ! » Michel pas vraiment en phase avec moi bougonne un « on va bien se faire chier avec la bagnole » qui m'incite à changer rapidement de sujet. « Qu'est-ce que tu penses de la situation ? » « De la Saône ? » Je rigole, « que tu es con mon pauvre ». Michel sourit pour m'expliquer qu'il tient toujours à sa théorie du beau-père pédophile assassin, mais que depuis notre entrevue avec la grande endive du Mac Do, il laisse la porte ouverte à l'hypothèse du crime passionnel ». Je reste songeur. « Tu imagines vraiment du passionnel avec l'autre mollasson ? Non, c'est le mec à mettre des blâmes, pas à tuer par passion. » « Je pensais plutôt à Thomas Dulac, me dit Michel, l'amoureux de Pauline, il a dû souffrir, lui aussi. Et n'oublie pas, mon petit Martin, que la nature humaine est bien plus complexe qu'il n'y paraît, parfois. » Je le regarde en coin pour voir si par hasard, il ne se foutrait pas de ma gueule, mais comme il a l'air sérieux, je conclue la discussion en lui rappelant que de toute façon, il n'y a pas de cadavre. Soudain, Michel quitte l'axe nord-sud pour prendre une petite rue que je ne connais pas. « Qu'est-ce que tu fous dans la presqu'île, on ne va pas chez Roger ? » Il faut dire qu'entrer en voiture dans le centre-ville à la mi-journée relève un peu de l'inconscience. Mais pas pour Michel qui se faufile à coups de klaxons rageurs parmi les autos et les nombreux cyclistes qu'il insulte copieusement. Il en rajoute pour me faire râler, mais je reste zen. Près du Musée Saint-Pierre, à deux rues de la place des Terreaux, il grimpe hardiment sur le trottoir avant de couper le moteur. « Tu vas voir ce petit bar-resto que j'ai découvert. Le menu complet pour neuf euros. Incroyable, non ? » Quelques secondes plus tard, nous voilà à la « Poule au pot », un improbable troquet exigu et sympa. Michel, comme chez lui, me présente Janine, la joviale patronne. Il serre des paluches comme s'il était en campagne électorale. Comment fait mon pote pour dégoter de tels lieux ? En buvant mon petit Mâcon au comptoir, je contemple le rade et ses clients avec stupeur. Nous sommes en plein centre, à deux pas de l’Hôtel de ville et de l'Opéra. Quartier où pullulent les Mac Do, Stardusts, Subways et autres établissements de restauration rapide « branchouilles », alors qu'ici, nous sommes hors du temps. Nous passons à table quand Aurélie nous rejoint. J'interroge Michel du regard. « J'ai pensé que nous serions mieux ici pour interroger un témoin. » Sacré Michel !
En attaquant ma salade lyonnaise, je dévore Aurélie des yeux. Putain, qu'elle est belle cette gonzesse. Elle ressemble beaucoup à sa mère. Comme toute jeune femme qui se respecte, elle grignote du bout des lèvres, la salade verte « sans huile » qu'elle avait commandée à une Janine consternée. Devant les quenelles gâteau de foie, j'aborde la question de leur beau-père : « Michel est persuadé qu'il est pédophile ! » Avant de me répondre, Aurélie avale une bouché de son poisson vapeur. « Qu'il ait eu envie de Pauline ou de moi, c'est indéniable, mais tant que nous étions là, avec Antoine, il se tenait à carreaux. » « Mais c'est possible ? » Elle hausse les épaules. « Je déteste ce type, mais là, tu y vas fort Michel. » J'eus le triomphe modeste en savourant un demi Saint-Marcellin coulant. « Et son petit ami ? » Michel rebondissait vite, et c'est encore Aurélie qui nous répondit (elle avait terminé son repas), « Thomas Dulac ? Bof, je n'ai rien à en dire, j'ai dû le rencontrer deux fois au max. Je sais qu'il a beaucoup souffert quand Pauline est tombée amoureuse d'Abdul, mais rien de plus. Il est un peu jeune, non ? » Elle continue la bouche pleine d'une merveilleuse tarte à la praline. « Par contre, j'ai hébergé Abdul chez moi quelques temps. » Nous sursautons « Hébergé ? » « Ben, quoi ? Ils sont venus chez moi, tout affolés quand le Mac Do les a lourdés. J'allais pas le laisser à la rue, Abdul est un sans-papier, vous l'ignoriez ? » Nous restons silencieux en buvant nos cafés. Pas longtemps puisque Michel maugrée contre ces « enculés » qui exploitent de pauvres bougres. « Il est où ce type ? Il sait peut-être quelque chose. » Aurélie nous dit qu'elle ignore tout de son nouveau lieu de résidence. « Il a fait beaucoup de foyers, faudrait voir avec les associations. » Nous nous regardons avec Michel qui sourit un peu grisé par le Côtes du Rhône : « Vont avoir du boulot, nos collaborateurs ! » Avant de se quitter, Aurélie nous confie qu'elle va voir sa mère dans l'après-midi et qu'elle en profitera pour fouiller un peu la chambre de sa sœur. « Si je trouve quelque chose qui peut vous aider, je vous appelle. En rentrant sur la Croix-Rousse, Michel me dit que nous sommes un peu légers comme enquêteurs, « avoir oublié de visiter la chambre de Pauline, la honte ! »

3 commentaires:

phyll a dit…

j'ai hate d'assister à la fouille de Pauline...heu ... de sa chambre !!! :o)

Louis a dit…

Dimanche, prochain, Phyll, dimanche. Quelle constance ! Bravo le photographe.

phyll a dit…

ben oui... j'attendrai Dimanche....
ça me fait penser à ma Maman qui, dans les années 50/60, attendait la sortie de son "Nous Deux" hebdomadaire pour lire la suite de "son" roman-photos !!.....