dimanche 23 janvier 2011

Episode 10

10.

Je suis venu voir Pierre Garnier. Le commissaire Pierre Garnier. Une figure à Lyon. Pierre était l'ami de mon père, mon parrain et celui qui nous a aidés, Michel et moi, à nous lancer dans cette aventure. Il me reçoit dans son bureau à l'Hôtel de Police, dans le huitième arrondissement, non loin de Lyon 3, et après quelques mots de politesse, il attaque directement notre sujet : « Suite à ton coup de fil, j'ai sollicité mes contacts et... Il agite quelques feuillets, tu vas être déçu, je n'ai pas grand chose. » Sans attendre ma réaction, il ajoute qu'il a beaucoup plus de documents nous concernant. « Surtout sur ton pote le psychopathe ! » Je sursaute : « Michel ? Psychopathe ? Tu exagères. » Il me fixe de ses yeux rieurs : tu veux vraiment que je te montre son dossier ? Non, crois-moi, il est dangereux ce gars. Sans mon intervention, vous n'auriez jamais obtenu votre licence de détectives, sans parler de votre permis de port d'arme. » Je vais protester, mais d'un geste rapide de la main, il coupe court : « Venons-en à votre histoire. Tu imagines bien qu'une gamine de 23 ans qui quitte son foyer, ne va pas mobiliser grand monde, même si la situation est plutôt calme en ce moment. D'ailleurs, tu as vu que mes gars ont arrêté le violeur du canal de Jonage ? » Je n'ose lui dire que j'ignorais totalement l'existence d'un violeur dans ce coin là. « Ah ? C'est bien ! » « Oui, c'est très bien, j'ai une bonne équipe. Il plisse les yeux en soupirant, ah Martin, si tu avais mieux bossé à l'école... » Je me récrie : « Moi, dans la police ? Jamais ! » Il sourit : « Voilà, on dirait ton père, qu'est-ce que tu lui ressembles, tu le savais ? » Je lui dis que ma mère me le serine sans cesse et le ramène sur le terrain de la disparition de Pauline. « Oui, tu as raison, voilà, il fouille ses papiers avant d'en extraire une fiche qu'il lit en chaussant de grosses lunettes, Pauline Valentin 23 ans, étudiante à Lyon 3 repérée chez nous suite à sa participation à l'occupation du Mac Donald, lors de l'action en faveur des sans-papiers. Pas d'antécédents. Autant dire rien quoi. » « Et son ami ? » « Abdul ? Il sort une nouvelle fiche. Abdul Diakaté, 25 ans sans papier, né à Muzaffarabad, une ville du Cachemire à la frontière du Pakistan. Il n'était pas fiché chez nous avant cette action. Localisé depuis dans divers foyers, notamment chez les petits frères des pauvres. » Comme il me regarde, je demande si je peux avoir une adresse. « Pour nous, il était encore le mois dernier chez les sans-abris rue d'Anvers, mais cela me semble plutôt imprécis. A mon avis, tu devrais aller voir du côté des petits frères des pauvres. » Je lui dis que l'on va mettre nos collaborateurs sur le coup, ce qui le fait rire. Il me demande à brûle-pourpoint si je vais toujours Chez Roger, et c'est à mon tour de rire, alors il se lève pour enfiler son manteau. « Je t'emmène, alors. »

Je suis maudit, si même les flics m'encouragent à aller au bistrot ! Moi qui ai rendez-vous ce soir avec Camille dans un petit resto de la rue Royale. Dans la voiture, comme l'Avenue de Saxe est méchamment embouteillée, Pierre sort la sirène et nous grimpons sur la colline en deux temps, trois mouvements, tout à contresens. « Je n'aime pas faire cela, habituellement, mais là, je suis à cran », se justifie Pierre. Par contre, moi qui rêvais d'être pompier, je jubile. Au comptoir, tous les marlous sont là, et Roger en voyant le commissaire, offre une tournée qui remporte un franc succès. Il faut dire que Pierre Garnier est un habitué des lieux qui, par sa présence bonhomme, assure au bar une protection rassurante. Nous passons dans l'arrière-salle pour faire le point, et quand Pierre attaque son laïus, je m’éclipse relativement discrètement. Pour mes retrouvailles avec ma petite Camille, il ne s'agit pas d'être en retard.

1 commentaire:

phyll a dit…

haaa Camille.......