dimanche 2 janvier 2011

Episode 07


7.

A Lyon, l'Université Lyon 3 occupe les locaux de l'ancienne Manufacture des Tabacs. Un lieu magnifique totalement réhabilité que vous pouvez découvrir le long de la voie ferrée qui relie Lyon Part-Dieu à Lyon Perrache. La nuit avec le plan lumière, c'est tout bonnement somptueux. Lorsque j'expliquai cette admiration à Michel, il m'approuva tout en me bourrant les côtes de son coude : « Ouais, mais l’intérieur n'est pas mal non plus », dit-il en me désignant quelques jeunettes profitant de notre bel automne pour nous frôler, désirables et court vêtues. J'essayai de calmer l'ardeur de mon pote en lui rappelant la très mauvaise réputation de cette fac : « Méfie-toi, vieux, ici y'a que des fafs ». Ma réflexion me valut un ricanement grivois : « Et alors ? » Je haussai les épaules et nous voilà au secrétariat où une petite bombe à lunettes, refusa toute coopération. Au bout d'une heure de discussions, elle admit du bout des lèvres que Pauline Valentin faisait bien partie des effectifs de Lyon 3, mais pas question de connaître les noms de ses amies ou relations. Excédée par notre insistance, elle nous exhorta à aller voir chez Mac Do pour plus d'informations. Sachez que pour Michel, une invitation à se rendre chez Mac Do équivaut à une insulte suprême du genre « va te faire foutre », ou mieux, « va te faire voir chez les Grecs ». Il entra alors dans une fureur noire et voulu sauter par dessus le comptoir pour, comme il le disait joliment à l'employée terrorisée, « parcourir les fichiers ». Ça sentait l'émeute, et il me fallut le tenir pour l'éloigner, tandis que la jeune femme avait plongé derrière son guichet. Pour éviter les ennuis, j'entraînai mon pote, qui braillait que j'avais bien raison au sujet des fachos, vers la sortie. « Merde, Michel, comment tu veux mener une enquête sereinement, si tu t'emportes chaque fois ainsi. Déjà, chez les parents de la gosse, je ne t’ai rien dit, mais, assommer le beau-père, comme tu l'as fait, ce n'est pas très sérieux. Pas très pro. Il va falloir te calmer. Tu n'espères quand même pas obtenir des résultats ainsi ? » Michel me regarda en silence pendant un long moment, avant de parler apparemment apaisé : « Ce type, là, Jean Lanterne, je le sens pas. Dès le début je l'ai pas senti. » Il s’arrêta pour que je le regarde bien dans les yeux : « Si tu veux mon avis, ça pue le pédophile à plein nez, cette histoire. » Il agita son gros doigt sous mon pif pour donner du poids à ses dires. Cette histoire de pédophilie, il me la serinait depuis le début. Pour lui, c'était toute l'affaire : Jean Lanterne, avec « sa gueule de con » a tout du coupable idéal. « Pour moi, c'est cousu de fil blanc, cette affaire », me répétait-il sans cesse, « tu as vu son air sournois, ce visage faux et vicieux ? » « J'aurais eu du mal à voir quelque chose, tu l'as mis en sang dès les premières secondes ». Michel sourit : « Oui, tu avais remarqué ? Je n'ai pas perdu la forme, hein ? Quel direct ! » J'eus beau lui expliquer qu'il n'y avait pas de coupable tant qu'il n'y avait pas de victime, rien n'y faisait. Il ne démordait pas de sa théorie. Je haussais les épaules, découragé, pour me diriger vers le Mac Do. Pendant de longs mois, il n'y avait pas eu de restaurant universitaire à l'intérieur de Lyon 3. Un parfait scandale qui avait laissé au resto rapide, construit, lui, dès le début des travaux de rénovation, le temps de bien s'installer chez les jeunes. Mais avait-il besoin de cela ?

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