dimanche 19 décembre 2010

Episode 5

5.

« Si nous n'avons rien trouvé, c'est qu'il n'y avait rien à trouver ! » C'est Lucien qui vient de nous balancer cette grosse connerie, qui lui vaudrait en temps ordinaire sa baffe quotidienne. Pourtant, Michel, qui prend sur lui, répond avec ironie : « Tu pourrais développer ? »

Nous avions fait chez Roger une entrée triomphale, à cause de notre beauté insolente, évidemment, mais plus sûrement parce que Michel avait ouvert la porte d'un violent coup de pied avant de pénétrer dans l'établissement la clope au bec. Immédiatement, l'ambiance s'était tendue. Roger blanc comme un linge, nous regardait avancer et je lisais dans son regard cette lassitude qu'il ressentait si souvent en notre présence. « Aujourd'hui, y'a nocturne, le bar ne ferme pas ! » En criant cette annonce, Michel déclencha des hurlements de joie. Tout le monde s'empressa d'allumer une cigarette en reprenant un verre. Apercevant nos lascars accoudés plus loin au comptoir, Michel leur avait désigné l'arrière-salle, indiquant à Roger de nous servir là-bas. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour faire déguerpir les deux ou trois couples d'amoureux qui se bécotaient dans l'ombre. Joël, qui s'était joint à la fine équipe, commença à nous expliquer que le père, Gérard Valentin, était parti un jour, « comme ça », ajouta-t-il en claquant maladroitement des doigts. Je regardais Joël avec attention : « Qu'est-ce que tu branles là, toi, avec nos ¨collaborateurs¨ ? » Tout le monde sourit à cette expression, mais Michel reprit : « Oui, au fait, qu'est-ce que tu fous là ? ». « Ben, je suis au chômdu comme vous, vous l'avez déjà oublié ? Les potes m'ont embarqué avec eux, c'est sympa, non ? » Nous nous regardâmes résignés, Michel et moi, quand Arobase précisa qu'il n'y avait rien de changé en ce qui concernait notre accord, et qu'ils se démerdaient entre eux. Vu comme cela, nous n'avions pas d'objections, d'autant que Joël était de loin le plus intelligent de la bande. Sans compter son attitude héroïque durant la grève qui nous avait valu notre licenciement. Après nous, c'était le mec que nous préférions ! « Le couple allait très mal ». Long silence de Joël, « et la séparation s'est faite d'un commun accord. » Nouveau silence. « Et... » « Bordel, vous l'avez retrouvé ce Gérard Valentin oui ou merde ? » Michel avait donné sur la table un violent coup de poing qui nous avait fait sursauter tout en réveillant Paulo. Il est vrai que Joël n'est pas très simple dans ses explications, alors c'est Arobase qui reprit le crachoir pour expliquer que notre type avait mystérieusement disparu. « Mystérieusement ? » Arobase comprit qu'il était temps d'être plus clair. « Pas moyen de localiser ce type. C'est un mystère ! Il n'a laissé aucune adresse. » Tout le monde réfléchissait à ses paroles quand Michel dit qu'il n'était pas possible de disparaître ainsi : « Et le fric, hein ? Comment il fait pour le fric ? » C'est Lucien qui prit le relais : « Il est pensionné suite à un grave accident du travail et il continue de recevoir ses prestations. Nous avons réussi à accéder à ses comptes bancaires. » En disant cela, il avait un air suffisant, particulièrement désagréable. Pourtant, j'étais persuadé que s'ils avaient des infos, c'était grâce à Paulo, qui l'air de rien était un as de l'informatique. Paulo, d'ailleurs, confirma immédiatement mes soupçons en nous expliquant, comment aujourd'hui l'on peut grâce à internet, se balader à travers le monde, tout en masquant son identité. Arobase nous dit qu'il essayait malgré tout de se procurer un listing de toutes ces opérations bancaires. « Surtout les retraits dans les distributeurs », crût-il bon de nous préciser. Inutile de vous dire qu'à ce stade de la discussion nous étions complètement largués, pourtant Michel exprima crûment son scepticisme : « C'est quand même pas James Bond, ce type, non ? » Paulo sourit : « C'est relativement simple, tu sais. Même Lucien y parviendrait. » Après un blanc il ajouta rieur : « Non, quand même pas Lucien », ce qui nous mit en joie. L’intéressé, pour ne pas être en reste, contre-attaqua brutalement : « Et vous, de votre côté, où vous en êtes ? » Nous restâmes silencieux. Que leur dire d'ailleurs ? Que Camille m'avait envoyé un SMS ? Qu'elle voulait bien me revoir ? Que cette histoire de disparition était juste un prétexte pour occuper nos petites cervelles pendant ces journées devenues si longues ? Nous décidâmes de nous séparer, chacun promettant de s'y mettre sérieusement. « J'ai revu Antoine l'autre jour à Rilleux, il se fait vraiment du mouron », nous dit Paulo, pour conclure cette réunion.

3 commentaires:

phyll a dit…

suite à ce 5eme épisode, je te souhaite un Noyeux Joël !!! ;o)

Papa de Lili a dit…

J'attends la suite avec impatience... A toi et à toute la bande je souhaite un Joyeux Noël!
Amitiés.

Louis a dit…

Eh bien, joyeuses fêtes les fidèles !