dimanche 17 février 2008

34. Zen, Martin, Zen

Depuis que je traîne dans ce bar, à attendre le grand amour en distribuant de généreuses taloches aux ahuris qui viennent me faire chier sur mon nuage, j’ai pas mal soigné mon physique. Outre un nez multi-cassé, j’ai sur le corps un nombre incalculable de cicatrices, sans parler de mon foie qui est comme ne cesse de le répéter mon docteur un « défi à la science » Aussi, lorsque une femme me fait l’honneur de céder à mes avances discrètes et raffinées, « bon, t’as finit ton verre, on va au pieu ? » j’essaye de me déshabiller discrètement dans l’obscurité afin de lui éviter un choc. Qu’elle découvre mes plaies et mes bosses sous ses doigts n’a pas le même effet, au contraire. « Mais, mon pauvre chéri, tu as fait la guerre ? » Alors là, je déroule selon mon humeur ou mon imagination : Mercenaire en Afrique, guérilleros en Amérique Latine, trafiquant en Russie ou en Asie, j’ai le choix. Ce soir pour Angélique, une renversante beauté dont j’ai envi de faire la femme de ma vie, je suis un espion. Un bien noble métier selon la belle qui ajoute qu’elle a eut peur, l’espace d’un instant que je sois querelleur. Ce genre de type qui dans les bars ne provoquent que des embrouilles.
- Moi, bagarreur ? elle est bien bonne !
- Tu me rassures, j’ai horreur de la violence.
Elle est trop choux. Et en riant, je me jette sur elle pour une deuxième version du spectacle. En VO cette fois. Après toutes ces émotions je l’invite à boire le petit dernier chez Roger. Demain j’arrêterai de boire.
- Tu verras, c’est un petit bar tout ce qui il y a de branché sur les pentes de la Croix Rousse.
Branché n’est pas exactement le mot pour définir ce lieu, mais en tout cas, il est bien sympathique mon QG. Je pousse ma conquête à l’intérieur, ignorant son réflexe de recul devant le bruit et la fumée qui règne dans le bastringue. Il est tard, et l’ambiance est au top. Pour être clair, c’est le bordel total. Michel et Joël, mes potes dansent un peu débraillés avec deux petites rondelettes hilares tandis que Roger surveille angoissé tout ce joli foutoir. Tendu comme je le vois, il travaille son ulcère le patron !
Et ma présence ne va pas améliorer sa santé au gros. Dès mon apparition j’ai vu ses yeux rouler dans leurs orbites affolés. En jetant un regard dans la salle, je comprends mieux sa terreur. Assis au fond de la salle, je découvre mon meilleur ennemi, le grand Jeannot. Un marlou avec qui j’ai eu quelques mots il y a quelques mois. Je ne me souviens plus quelle était la nature de notre léger différent, mais il a quand même nécessité l’intervention de trois cars de flics, deux ambulances, quatre médecins et de divers corps de métiers du bâtiment pour remonter le bar. Mais aujourd’hui nous avons vieillit et nous sommes devenus sages. C’est ce que je tente d’expliquer calmement au patron pendant qu’il nous sert à boire. Angélique y va de son couplet :
- Martin, avec son métier, lui, il ne se bat jamais.
Je fais un clin d’œil au gros, pour qu’il ferme sa grande gueule, et je l’achève d’un :
- J’ai bien envi de boire une infusion avant d’aller me coucher.
Je sens dans mon dos le regard de l’autre tueur et je devine déjà la suite : les mots, les regards et les coups. Mais j’en ai marre, je veux changer.
- Tu as raison ma chérie. Pas de bagarre, rentrons.
Mes potes et le patron semblent tétanisés tandis que nous sortons comme au ralenti et dans le silence. Silence relatif, puisque j’entends bien les insultes de l’autre tordu. Je serre les poings, et les dents et je me casse. Fini toute cette violence, j’ai envi de caresses et de baisers, et merde à l’autre minable.
L’histoire de ma capitulation nocturne a fait le tour de la ville et je sens bien les regards incrédules qui me suivent dans la rue. Mais j’aime Angélique, d’ailleurs nous allons nous marier et je bois beaucoup moins.
N’empêche que le grand Jeannot, je l’ai guetté pendant des nuits avant de lui faire ravaler ses insultes. Je l’ai laissé pour mort le long du trottoir. On dit qu’il ne marchera plus jamais. Il a déclaré avoir été renversé par un camion.
Finalement il avait du panache ce con ! On aurait pu être amis.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai failli croire qu'il devenait raisonnable, Martin ! C'est qu'il ne me connait pas encore...

Unknown a dit…

Et tu crois qu'on va avaler ça? Allons! tu vas bien continuer a ruiner les compagnies d'assurances.
Amitiés.

Sol a dit…

Bien, bien, très bien. Je viens d'en lire quelques unes et dans l'ensemble, cela me plaît bien. C'est court, écrit sobrement, avec de vraies chutes. Il y a du talent, la dessous. Je repasserais.