mardi 12 juin 2007

N°12 Le blog

- Il n’est pas là Arobase ?
Roger me lance un regard accablé : Lucien vient de faire son entrée dans le bar, et nous savons l’un comme l’autre que notre soirée vient de basculer. Le patron venait de me présenter deux jeunes filles plutôt avenantes, et nous avions des projets dans lesquels il n’était pas question de Lucien. Surtout pas de Lucien ! Face au silence du patron, l’autre mariole se précipite sur moi :
- Il est pas là ? Dit Martin, il est pas là ?
- Oublie moi, je discute.
- Mais…mais… tu disais rien.
- Justement !
Et devant son air ahuri, nous ne pouvons nous empêcher d’éclater de rire. Il est comme ça Lucien : Enervé, collant, et chiant. Mais à force, il en devient drôle, c’est dans sa nature, plutôt dans la notre pour être juste. Il est notre souffre douleur. Mais ce soir il tombe particulièrement mal.
Lorsque Roger, pour moderniser sa clientèle a transformé son vieux pub de quartier en café Internet, j’ai fait parti de ceux qui ont le plus râlé. C’est dans ma nature c’est vrai, mais quand même : Supprimer le coin fléchettes pour installer tous ces appareils à la con ! Quelle misère ! Pourtant, force m’est de reconnaître que si quelques vieux poivrots ont changé de crémerie, les jeunes du foyer international qui se situe deux rues au dessus ont fait de ce bar leur adresse privilégiée. Comme les deux petites asiatiques sur lesquelles nous avions jeté notre dévolu avant l’arrivé de l’autre grande andouille. Deux petites beautés aux formes généreuses qui vont, si ça veut rire, nous aider à finir agréablement notre nuit.
- C’est sur, vous l’avez pas vu ?
A regarder les filles, j’avais oublié l’autre zouave. Toujours à la recherche d’Hervé le spécialiste d’informatique, que nous avons finement surnommé « Arobase »
Hervé est un traîne patins qui a appris l’informatique en prison. Contre quelques bières gratuites, c’est lui qui a installé le coin Internet dans le bar. C’est peu dire que je ne l’aime pas, il a prit trop d’importance auprès de Roger. Et je ne vous parle pas des filles. Ce salopard, fort de ses connaissances informatiques, organise des cinq à sept torrides chez les clientes en panne d’ordinateur. J’ai vite compris son manège et je passe mon temps à le débiner pour essayer de lui casser la baraque. En vain pour l’instant.
Lucien passe de tables en tables, à la recherche de son héros lorsque nos deux petites perles d’Asie reviennent au bar. Je veux leur offrir un verre mais elles refusent :
- Où est « évé »
Avec Roger, nous avons la même pensée assassine. Voilà que même ces filles-là cherchent après Arobase. Ca sent la malédiction. Et ça ne manque pas : alors que déçues, les petites vont accepter nos verres, Lucien, que je n’avais même pas vu sortir entre triomphalement suivi d’Hervé déjà tout auréolé de gloire. Tout le bar s’arrête de vivre, les chinoises se jettent sur lui et c’est avec une colère de 8 sur l’échelle de Richter que je fais un signe en direction de Roger pour qu’il remette sa tournée. Il me connaît bien le gros, et à voir mes yeux injectés de sang, il s’empresse de faire glisser vers moi une mousse rafraîchissante.
- Te bile pas Martin, c’est un con.
- Peut-être, mais il nous fait de l’ombre. De la main je lui montre le manège de l’autre fourbe qui fait le beau devant nos promises.
- Et ce grand con de Lucien qui en rajoute.
Voir ces deux minables jouer les playboys me casse le moral. Et moi, je marche au moral. Sinon c’est la dépression, et je n’ai pas les moyens de me payer une analyse. Alors je me lève, relax, de mon tabouret et je m’approche des ordinateurs. Arobase parle de blogs et je devine la suite. Je passe derrière les machines et d’un geste brusque j’arrache les fils électriques. Ca grésille un peu et tout le bar est dans le noir, j’ai dû tirer un peu large. Je reviens vers le comptoir en rigolant lorsque je sens une poigne terrible me broyer l’épaule.
- Martin, tu es fou, je dialoguais avec ma fiancée, tu en as marre de la vie ou quoi ?
J’ai un mouvement de recul. Aveuglé par ma haine je n’avais pas remarqué Riton qui pianotai à l’autre bout. Riton la masse, la brute, le catcheur, l’assommoir et autre petits surnoms qui vous donne une idée du personnage. C’est un pote de prison d’Arobase, ce qui n’arrange pas mes affaires. Et effectivement je me prends un ramponneau d’entrée. Le genre collision avec un TGV. Je suis mou du genou pour le coup et je tombe élégamment aux pieds du colosse. Avant de perdre connaissance, j’ai le temps d’apercevoir le pied d’Hervé qui vient à la rencontre de ma tête.
J’ai eut 15 jours de caduche..
Le bar est fermé pour trois mois sur ordre de la Préfecture.
Je vais tuer arobase.
C’est pas demain que j’aurai un blog.

1 commentaire:

Eloïse a dit…

Whoaaa, Arobase, connu jusque sur le plateau de la X rousse.. Je savais pas que ces 5 à 7 le menaient si hauts ! (j'ai aussi loupé le passage par la case prison, vous sautez votre tour, blablabla).

Je note que le mot "ramponneau" a été placé avec brio : félicitations !

Allez, je continue ma lecture.