mercredi 13 juin 2007

N°13 : Un coup trop façile

J’ai dû m’assoupir un peu. Faut dire qu’il me saoule le Robert avec ses histoires de cœur. Avec sa bière aussi, faut être honnête et reconnaître qu’il est plutôt généreux question tournées. Sa femme l’a quitté il y a un mois, et franchement personne à la Croix Rousse n’en a été étonné. C’est le fait qu’elle reste avec lui qui nous surprenait plutôt. Moi je l’aime bien Robert, mais il faut admettre qu’il fatigue à toujours rabâcher les mêmes conneries. Quand il vous coince au coin du bar avec ses yeux de cocker triste et sa voix geignarde : « Viens t’asseoir, faut que je te parle. » Vous pouvez mettre une croix sur tous vos projets en cours. Vous savez l’importance stratégique pour un soiffard célibataire de rester au comptoir, alors, suivre Robert, c’est l’assurance d’une soirée gâchée. Une vraie plaie !
- Tu m’écoutes ? un million d’euros c’est pas rien merde !
Tiens, il a changé de sujet sans prévenir ce con, j’ai dû dormir vraiment.
- C’est ma femme, et là il y va de sa petite larme, alors j’ai peur qu’il ne reparte en vrille sur ses déboires conjugaux, mais il essuie prestement cette marque de faiblesse pour reprendre virilement : « elle a emménagé dans un coin bien bourge de l’Ouest Lyonnais et figure toi que son voisin le plus proche est Ricardo Gomes »
J’émets un petit sifflement d’admiration. Faut dire que Gomes est la grande vedette Brésilienne de l’Olympique Lyonnais. L’avant centre du club de foot. Un dieu vivant.
- Putain, ta femme elle est partie avec le gardien de but ?
Tout de suite je comprends mon erreur, il n’a pas d’humour Robert. Pas en ce moment. Pas sur ce sujet.
- Martin, tu ne serais pas mon ami, je t’aurai cassé la tête.
J’esquisse un petit sourire contrit, manière de me faire pardonner, et il poursuit en me surveillant par en dessous.
- Il est pété de thune ce portugais, tu peux me croire.


Robert, la géographie n’a jamais été son point fort à l’école. Et il me raconte comment y’a rien de plus simple que de braquer la villa quand le footeux joue en déplacement, « tu peux même allumer la télé pendant le casse et tu suis le match en direct tout en dépouillant le sportif. La classe non ? » Et Robert rigole. Je suis heureux de voir qu’il a retrouvé sa bonne humeur. En temps normal, je n’aurais pas écouté son baratin, parce que Robert, pardon, mais questions coups foireux il se pose un peu là ! Un artiste dans son genre ! Mais là, j’ai pas les moyens de faire la fine bouche. Je dois un max de fric à Tonio, et ses sbires m’ont coincé derrière les poubelles pour m’expliquer comment ils comptaient me briser les genoux. C’est dingue comme ils expliquent bien. De vrais pédagogues.
Alors j’ai écouté mon pote et nous voilà, vêtus de sombres à visiter une villa au luxe insolent. Robert a joué au petit chef et je l’ai laissé faire. A moi le salon qui est trop chargé à mon goût. On devine que le type ne sait pas quoi faire de son fric et qu’il a des goûts de chiottes. Nous ne prenons que ce qui est léger et facilement revendable. Robert fouille dans la chambre depuis une heure au moins et je commence à m’inquiéter. Je décide alors d’aller le chercher. Je pose mon sac qui commence à me scier l’épaule. En posant ma main sur la porte de la chambre, j’ai comme un flash prémonitoire. Un voile noir qui me fait frissonner, pourtant je pousse la porte sans appréhension. Pensez, je n’ai jamais pu prévoir un tiercé dans l’ordre, alors mes dons de voyance je n’y crois pas une seconde. Hé ben, j’ai tort ! La femme de Robert gît sur un lit à baldaquin d’aussi mauvais goût que le reste. Ce qui est vraiment de mauvais goût dans l’affaire c’est la tache rouge sous son crâne. Je me vois dans une glace qui couvre tout le mur d’en face. Mes yeux vont du cadavre à cette glace dans laquelle je vois l’image de la reine des pommes. Robert n’est pas si con que cela en fait. J’en ai la confirmation en entendant la voiture de flic se garer sous la fenêtre qu’il a laissée ouverte en s’enfuyant depuis si longtemps, qu’il doit déjà avoir un alibi en béton.
Je me rassure en me disant que j’évite la batte de base-ball dans les genoux.

1 commentaire:

Unknown a dit…
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