44. Viviane.

Un type qui tue des femmes, c’est déjà pas notre tasse de thé, mais un type qui tue Viviane, laissez moi vous dire que cela frise la haine. Ce soir au bar des Sports, y’a des envies, de battue, de chasse à l’homme et de milice. Faut dire que Viviane, depuis quelques mois, elle embellissait nos nuits. J’allais vous en causer, d’ailleurs de cette gamine. Mais ce putain de « sérail killer » en a décidé autrement. Le patron remet sa tournée, mais je vois bien que comme nous, il a la gorge serrée. Paulo, lui, pleure franchement. D’ailleurs, depuis quelque temps il pleure tous les soirs : Sa femme, son permis, son chien. Il faut dire que si nous étions tous fous de cette petite, Paulo était celui qui était le plus proche d’elle. En public s’entend, parce que, en tête-à-tête, nous avons tous tenté notre chance avec elle. En vain. Mais personne ne lui tenait rigueur de son intransigeance, au contraire. Elle était la mascotte dans le bar. Un soir qu’au comptoir, je faisais remarquer à Michel que pour moi Viviane était certainement lesbienne, mon pote, sans me répondre m’avait gentiment tapoté sur la tête en remettant sa tournée. Je l’avais fixé longuement, un soupçon m’envahissant soudain. Mais Michel, c’est une tombe, question femme. Pas moyen de connaître ses amours, exception faite de la soirée avec les siamoises.
Le tueur nous avait privés de notre lumière et nous ne pouvions décemment rester là à boire comme des loques. Bizarrement, c’est ce con de Lucien qui a sonné la révolte : « Ben quoi les mecs, vous n’allez pas rester à chouigner toute la nuit sans réagir. Putain, c’est Viviane qui doit être fière de vous ! » J’allais le corriger comme il le méritait quand Michel a dit qu’il avait raison et que nous allions retrouver ce psychopathe. Le tueur des parkings qu’il s’appelait ce malade, alors nous avons exploré les parkings. Les parkings et les bars, faut être honnête. C’était lugubre. Les parkings, hein, pas les bars. On a vite compris comment ce type pouvait aussi facilement tuer. « Elles doivent crever de peur les gonzesses, dans de tels endroits. Pas la peine d’être armé » C’est Paulo qui vient de faire cette fine remarque, et je dois bien reconnaître qu’il a raison. Traîner la nuit dans un parking c’est vraiment glauque ! Nous allons rentrer bredouille, quand Lucien décidément en verve ce soir pousse un hurlement : « La ! »Et effectivement, en suivant la direction de son doigt, nous découvrons une forme à demi-cachée derrière un pilier. La lampe torche nous permet de découvrir le « monstre » et nous en restons babas : « René ! » René le Gogol de Caluire. Paulo essaye de nous dire qu’il n’est pas possible que ce benêt, « plus con que Lucien » puisse être le tueur, mais Michel lui a déjà collé sa torgnole, « la spéciale », en gueulant : « C’est toi les filles ? » Je ne sais si c’est la douleur ou la tournure étrange de la question, toujours est-il que le René ne rechigne pas à avouer. Michel hors de lui, le soulève violemment, prêt à le réduire en bouillie quand Arobase, toujours au top de la technique, nous dit que d’après son téléphone dernier cri, « Le tueur vient d’être arrêté »
Nous regardons notre pape de l’informatique comme s’il déboulait direct de Mars. « Qu’est-ce que tu déboises ? »Alors Arobase nous fait admirer l’écran sur lequel s’affichent les dernières « news » en directe. « Merde, on arrête pas le progrès ! » Il y a beaucoup de regret dans la voix de Michel et nous le comprenons tous. Nous aurions tant aimé venger la mort de Viviane. Alors pour se détendre, nous collons quelques baffes à ce pauvre voyeur de René, avant de rentrer à la Croix Rousse pour savater la gueule au premier qui osera nous manquer de respect. Non, mais !