vendredi 23 janvier 2009

14. Une certaine idée de chantier...

Avec Roger à l’hôpital et l’architecte en fuite, le bar n’est pas prêt d’être reconstruit et cela ne nous réjouit pas outre mesure. Nous faisons parfois le pèlerinage devant les ruines avant d’attaquer une grande virée alcoolisée. C’est triste de voir notre bar favori éventré et noirci. Le feu (et les pompiers !) N’y ont pas été avec le dos de la cuillère : C’est Beyrouth. Michel dit que le spectacle lui fend le cœur quand Lucien lui, dit que cela lui donne soif. Avec Paulo, Joël et Arobase, nous restons silencieux, trop angoissés à l’idée que ce bar puisse ne jamais renaître de ses cendres. Paulo frissonne devant ce triste spectacle. Nous allons pleurer quand Michel déclare « qu’il faut faire quelque chose ». A part boire un verre, je ne vois pas ce que l’on peut faire de mieux actuellement.
« Puisque Roger a les autorisations, on va attaquer le chantier » Devant nos regards interloqués il ajoute : « D’ailleurs, on a rien d’autre à foutre » Arobase et Paulo protestent. Ils ne sont pas chômeurs eux ! Une fois à la Taverne, un petit rade tout ce qu’il y a de sympa, Michel continue avec son idée à la con. Il s’y voit déjà, le bougre. Comme il paye à boire, nous faisons profil bas, écoutant distraitement ses élécubrations. Paulo, le mégot éteint collé aux lèvres a posé sa tête sur le comptoir, pour s’endormir aussitôt.
Quand Michel s’exalte ainsi, il vaut mieux prendre un peu de recul, et rester silencieux. Le recul c’est pour éviter les baffes et le silence, c’est pour ne pas alimenter sa folie. Michel, quand il est chaud comme cela, il ne faut surtout pas l’encourager. Y’a danger ! Mais Arobase et Lucien ont l’air de soutenir mon pote dans son délire, tandis qu’avec Joël nous échangeons des regards désespérés. J’aime beaucoup mon pote, mais là, il exagère et il faudrait qu’il redescende vite sur terre. En attendant, Joël d’un discret coup de coude me désigne deux superbes créatures qui sortent fumer. Immédiatement je descends de mon tabouret pour foncer rejoindre les belles sur le trottoir. Nous allons franchir le seuil du bar quand Michel nous interpelle violemment :
- Où vous allez les lascars ?
Mon pote a son regard des jours mauvais et je préfère rester souriant : « On va fumer, la belle affaire » Michel descend à son tour de son tabouret : « Quand je paye à boire, on ne va pas fumer ! » Putain, il délire pépère, cela devient grave. « Tu plaisantes j’espère ? » Mais je vois bien qu’il n’en est rien. Nous nous affrontons silencieusement du regard, quand finalement Michel éclate de rire, avant de nous suivre dehors. Tout le monde respire dans le bar, mais la bagarre n’était pas loin. Une fois dehors, je lui tends une vieille gauloise en signe de paix, alors il explose :
- Putain, Martin, je n’en peux plus. Le chômage c’est pas pour moi, je vais faire une connerie, fait quelque chose.
Cette rengaine, je la connais bien, il me la sert tous les jours. Que puis-je faire ? Après nos exploits à l’usine, personne ne veut plus de nous. Pourtant en regardant Michel, je comprends qu’il est au bord des larmes et qu’il me faut agir vite : Il est au bout du rouleau. On peut dire ce que l’on veut du chômage, ces chiffres froids que l’on entend à la télé depuis des années, mais c’est un truc qui vous ronge. Définitivement. Alors, pour mon ami, pour sa santé mentale, je mens. « Demain, Michel, on aura du boulot », et ce grand con me croit, il sourit, me prend dans ces bras et m’embrasse. Les jeunes qui fument à coté ricanent, mais on s’en fout, demain sera un autre jour et en attendant, on se met minable en bâtissant des chimères. Et quand Michel finit par pleurer, ce n’est pas grave, puisqu’il braille l’Internationale, signe chez lui d’ébriété avancée, mais surtout de bonne santé mentale. Paulo tombe de son tabouret, Arobase et Joël s’endorment dans les bras des deux poulettes et nous rions bêtement quand Lucien prend sa baffe journalière. Allons, la vie continue…en attendant la réouverture !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est peut-être une bonne idée finalement que Michel reconstruise le bar chez ROger. Il n'y a rien de mieux que le bricolage pour occuper les inactifs.

Anonyme a dit…

J'amène les truelles.

Anonyme a dit…

Le quotidien est violent pour nous tous et pour certain plus que d'autres. J'aime toujours te lire. A bientôt. ;o)