samedi 10 janvier 2009

13. L’architecte.






L’ambiance, au bar des sports, est survoltée ce soir. D’abord nous sommes en nombre. Puis Bob, le patron toujours aussi peu psychologue a annoncé qu’il voulait fermer tôt, phrase qui a le don de déclencher chez nous, un irrésistible désir de nous accrocher au bar ! ! ! Nous en sommes là, déjà bien chauds, quand Roger fait une entrée triomphale les bras chargés, accompagné de ce con de Lucien, d’une minette aux formes déformants ses courts vêtements, qu’il appelle « pupuce », et d’un pingouin qu’il nous présente comme étant, « Laurent mon architecte »
Roger a enfin obtenu les autorisations nécessaires pour attaquer les travaux de réfection de son bar. Vite vite, il faut dégager le zinc pour étaler les plans. Lucien toujours aussi maladroit renverse un verre et se mange la mandale qu’il mérite. Michel me regarde en riant : « Champion du Monde ! » Et il faut reconnaître que Lucien -une baffe avant même d’avoir ôté sa veste- est bien parti pour battre des records ce soir.
Mais l’incident ne gâche pas la fête surtout que Roger surexcité annonce que c’est lui qui rince. Toute la bande se presse autour des plans, mais comme personne ne s’est montré assidu pendant les cours de dessin industriel, ils ne nous parlent guère. Roger, par contre, lui, il cause. Il nous saoule avec ses : « volumes », « puits de lumière », « espaces » et autres termes qui nous semblent bien loin de notre rade favori. Les questions angoissées fusent, mais ce n’est rien à coté des tournées. Je profite de l’ébullition qui règne autour de Roger, pour me frotter contre la minette qui ricane bêtement. Sentir son sein contre mon bras suffit à me mettre en joie. On est peu de chose, non ? Je vais tenter de passer derrière elle afin qu’elle comprenne bien mon désir quand Roger, sort d’un sac une boite à chaussure, d’où il extrait avec moult simagrées une maquette tout ce qui il y’a des plus « mimi » On dirait Jacques Villeret dans le « dîner de con ». Le bar en allumettes, c’est quelque chose à voir.
- C’est quoi ce truc ?
- Putain, Michel, t’es miro. C’est mon futur bar.
- Cette horreur toute blanche ? Tu plaisantes, on dirait un hôpital plutôt !
Tout le monde rigole, alors Roger nous traite de connards arriérés en nous expliquant comment le monde a changé :
- Avec la législation sur le tabac et les campagnes anti-alcool, il faut s’adapter. Surtout que la clientèle de la Croix Rousse a évolué, faut pas se voiler la face. Je vais créer un « bar galerie » avec expos et vernissages.
Michel est remonté comme une horloge, il bout intérieurement.
- Si tu crois que ces petits bourgeois vont consommer comme nous, tu te mets le doigt dans l’œil. Et puis tiens, tu nous fais chier.
Il accompagne sa virile déclaration d’un formidable coup de poing sur la maquette qui explose en mille morceaux. Le jeune architecte veut intervenir mais Michel toujours à son plus haut niveau, le calme sèchement d’un seul coup de boule. A notre grande stupéfaction, et à notre grande joie, faut bien le reconnaître, nous voyons la petite minette se précipiter sur le grand dadais avec des « chéri, chéri » du plus bel effet. D’un coup c’est « Au théâtre ce soir ». Qui a dit que les bistrots n’était pas culturels ? Le vaudeville tourne à la tragédie grecque quand Roger submergé par les émotions s’effondre victime d’un malaise cardiaque.
Quelques jours plus tard, nous allons lui rendre visite à l’hôpital où il se remet doucement. Michel d’un large mouvement du bras désignant la chambre d’un blanc éclatant déclare moqueur : Ben, t ‘es content, on dirait ton bar ! Je t’amènerai des allumettes.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Il aurait fallu dire à Michel, avant qu'il ne mette une beigne à l'architecte, que les bars lounge attirent toujours de jolies minettes à la mode... Dommage pour lui !

Louis a dit…

Lounge, merci BBK, voilà le mot à la con que je cherchais. Comment boire un petit verre peinard au comptoir d'un "lounge" ?

Anonyme a dit…

Qu'est devenue la Pupuce ?

Anonyme a dit…

Pour répondre à ta demande et pendant que Roger se remet de ses émotions, je pense a Martin et je me prépare à lui rendre une petite visite: encore 6 où 7 jours...
Amitiés.

Anonyme a dit…

Ahhhhh ! Je l'avais ratée, celle-là, eh bien ç'aurait été dommage car j'aime beaucoup l'aspect culturel. :-p
Sérieusement, c'est très bien pensé, le coup de la comédie de boulevard qui vire au vaudeville... puis à la tragédie. ;-)))
Mille bisous !