vendredi 28 mars 2008

37. Une vraie sainte.

Michel veut remettre sa tournée, mais je décline poliment. Il me regarde comme si je venais de lui avouer le meurtre de ma mère. Refuser un verre, ça il ne le conçoit pas. Il fait un signe autoritaire en direction du patron qui s’empresse de renouveler les consommations. Je regarde mon pote avec résignation : Cela ne cessera donc jamais ? L’alcool est chez moi une véritable malédiction, je ne sais pas m’arrêter et Michel le sait bien. Il sait bien aussi que ce soir j’ai rendez-vous et que je ne peux m’attarder. Marie m’attend, et j’ai bien l’intention de ne pas la décevoir. Pas cette fois. Pas encore. Marie est une sainte, depuis le temps qu’elle essaye avec son pauvre amour de m’arracher à mes démons, elle mériterait d’être béatifier de son vivant. Cela ne se peut pas ? Ben, justement, c’est à cela que l’on réalise qu’elle est au dessus du lot question sainteté. Ce soir je lui ai donnée rendez-vous dans un chouette petit resto du quartier où elle doit déjà m’attendre pimpante et radieuse.
- Bon, j’y vais. Plus rien ne peux m’arrêter, je vais sortir.
- Oh l’autre, il se barre sans remettre la sienne, la honte !
Je n’ai pas à les écouter, il me suffit de franchir la porte pour effacer toutes ces conneries, mais des années de fréquentations apéritives ont gravé au plus profond de mes cellules, ces rites et traditions ridicules. Je reviens au comptoir sous les clameurs de tous les piliers de bars, et je sais qu’après avoir bu mon verre, le patron remettra la sienne, geste commercial grandiose. Puis Michel, parce qu’ « on ne pars jamais sur celle du patron » refera remplir nos verres, avant que l’on ne boive, « la dernière », puis « la démarrante », « la rincette », celle pour la route, avant que le patron ne relance le grand huit en renouvelant encore une fois nos verres. Je veux partir, je vais partir, mais ma voix est pâteuse d’un coup et j’accroche sur chaque mot. Michel rit bêtement tandis que Paulo s’endort sur le bar. Je réalise soudain qu’il est bientôt 23 heures, et je pense à Marie seule au restaurant. Je vois ses larmes et je vois ma bêtise. Je m’en veux, mais le mal est fait alors ma colère se lève et je fais la seule chose que je sache faire : je saisis un tabouret de bar que je balance dans la vitrine faisant exploser des dizaines de bouteilles. J’attends que quelqu’un dise un mot, j’ai des envies de meurtres, mais ils me connaissent trop bien les fourbes et chacun fait profil bas. Alors ma colère s’apaise d’un coup et je sors dans la nuit froide en titubant. Roger sait bien que je payerai les dégâts, je paye toujours. Partit comme cela j’était bon pour l’asile ou la morgue, y’a pas photo. Mais Marie était là, à m’attendre dans la nuit avec ses yeux débordants de tendresse :
- Ils t’ont fait boire mon pauvre Martin.
Si ce n’est pas de la vraie graine de sainte ça, je vous demande qui mérite l’auréole. (Ma blonde me souffle que c’est plutôt de la vraie graine de niaise, mais ça sent la jalousie à plein nez ce genre de réflexion)
Elle a pris ma main pour me rassurer (et me tenir, faut être franc) Alors je l’ai serrée dans mes bras et me suis mis à pleurer.
J’aurais dû l’épouser à l’époque, mais alors qui aurait écrit ces nouvelles ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Elle est superbe cette nouvelle ! Triste, mais super ! Ca fait plaisir de te retrouver, Louis !

Unknown a dit…

Alors Martin on roupille?
Amitiés.

Eloïse a dit…

J'avais lu "graine de sotte" au lien de "graine de sainte".. bien d'accord avec La Blonde !!