samedi 1 décembre 2007

23. La chinoise

J’ai aimé une femme. Une chinoise. Pendant cinq jours. Pas une gamine, non, une femme, une vraie. Et puis elle est partie, comme ça : pfuitt ! !
Laissez, vous ne pouvez pas comprendre, c’est ainsi. Pendant cinq jours j’ai vécu l’extase. Cinq jours sans aller au bistrot, Cinq jours à lire des livres intellos, cinq jours sans regarder la télé, cinq jours sans foot. Et puis le vide, sans un mot, sans une explication, plus de femme, plus de chinoise. Qu’est-ce que j’ai fait d’après vous ? Oui j’ai pleuré, il n’y a pas de honte. J’ai balancé ce putain de livre à la con (600 pages sans une image !) et je suis reparti à la Croix Rousse. Quand il m’a vu entrer, Riton s’est mit à gueuler :
- Martin, mais tu étais où, je te croyais mort.
Mais lorsque je me suis approché et qu’il a vu ma tête, il a changé de ton :
- Non, c’est pas vrai, pas toi, pas la Chinoise. Tu as vu dans quel état elle nous a déjà foutu Patrick ? Elle veut couler mon commerce ou quoi, cette gonzesse ?
Je n’ai pas envie de discuter, aussi d’un geste simple mais explicite, je lui fais signe de me servir à boire. Ce qui a le don de le rassurer. Parce que le fameux Patrick, l’ex à la Chinoise, il ne touche plus une goutte d’alcool. A peine s’il daigne passer de temps en temps au bar boire un café. Ce qui désespère mon pote Riton :
- Tu te rends compte qu’avant cette histoire de femme, le Patrick il m’assurait presque un tiers de la recette, faut pas croire, mais il en tombait des litres, mine de rien. Comment je vais payer les traites de mon 4X4 maintenant si vous virez tous musulmans ?
Il rigole, heureux de sa connerie. C’est un simple le gros. Avec sa femme, il ne risque pas de connaître ce que Patrick ou moi avons connu. Il faudrait que je lui parle d’ailleurs à ce Patrick. Mais c’est qu’il n’est plus trop bavard, maintenant.
- Heureusement, toi tu n’arrêtes pas l’alcool.
Riton dit cela en me resservant, et j’ai bien envi de lui foutre ma bière dans la gueule, mais je suis si loin de toutes ces conneries, de toute cette médiocrité, j’ai seulement besoin d’être seul et de souffrir en pensant à cette femme. Ma délicieuse blessure.
Finalement, je n’ai eu l’occasion de croiser Patrick, que quelques mois plus tard. Il sirotait un jus de fruit au fond du bar, l’air toujours aussi triste. Je me suis assis à sa table sans demander d’autorisation, et il a levé ses yeux sur moi.
- Elle est ou, maintenant ? Il a hésité avant de me répondre, mais grâce à lui j’ai retrouvé Xiao xin. Elle danse dans un bar sur les pentes. Un bar que je ne fréquente pas. Un bar avec attractions. Un bar bien ringard.
Dés mon entrée je la découvre assise à une petite table. Elle porte sa tenue de scène. Un truc très coloré, mais drôlement court. Elle se lève dés qu’elle m’aperçoit. Elle pose ses mains à plat sur mon torse pour m’arrêter. Ses yeux, deux pierres précieuses taillées en amande, me paralysent tout autant que ses mains.
- Tu n’aurais jamais dû venir.
Elle en a de bonne ! Mais sa voix est si chaude. Avec ses mains, ses yeux et sa voix, elle vient de faire ressurgir en moi les chimères de notre histoire. Malgré mon trouble, je ne quitte pas de l’œil l’homme qui se trouve à sa table. Un chinois. On dirait son frère tant il est beau lui aussi. Mais une beauté froide, dure. Dur comme les regards qu’il me lance. Il semble prêt à me sauter dessus. A voir sa gueule je sais qu’il est armé. Ce type sue la violence, il n’aura pas affaire à un ingrat. J’échafaude déjà le plan qui va le détruire. Il ne peut espérer exister entre elle et moi. Personne d’ailleurs ne peut espérer cela. Le regard de Xiao Xin se fait suppliant. J’aimerai lui poser mille questions, j’aimerai l’embrasser à pleine bouche, j’aimerai la serrer dans mes bras, mais son regard me crie de partir, alors je tourne les talons.
Une fois dans la rue j’ai mal. J’aimerai hurler. Je devrai hurler. Tout saigne à l’intérieur de moi,. Je suis comme Miossec le chanteur : Il ne faut pas me remuer, parce que je suis plein de larmes. Je marche indifférent à tout ce qui m’entoure, comme les soirs où je rentre ivre. D’ailleurs, je suis ivre. Ivre du souvenir de ses lèvres, ivre du souvenir de sa peau, ivre du souvenir de tous nos souvenirs.
Pourtant dans ma tête tout est très clair. Nos destins sont scellés, il ne me reste que peu de latitudes. Elle ne m’a pas laissé de choix.
Le tuer lui, est une évidence. Mais les tuer tous les deux est une nécessité.
Je n’ai pris aucun risque, je ne suis pas un héros. Au coin d’une rue noire, deux balles m’ont suffit. Il s’est écroulé d’une masse, le premier. Elle m’a jeté un regard d’incompréhension avant de s’effondrer elle aussi. Ce fut un moment pénible bien sur, mais j’ai repris ma route libéré, elle m’aurait trop fait souffrir.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Deux balles pour une salope, c'est pas top. Mais deux balles pour une chinoise, c'est trop nase. N'y pense plus lulu, c'était qu'une hurluberlue. A te lire…