mardi 19 juin 2007

N°19. Les vacances

Si comme moi vous passez vos vacances sur la côte d’azur, vous êtes un peu déçu par votre location, vous avez perdu tous vos repères, il fait trop chaud ou trop froid, et sur le petit « marché provençal typique » où vous faites vos courses, une bande de commerçants saignés par les taxes et les impôts, vous écorche jusqu’au dernier centime en écoutant RMC. Comble de la poisse, vous tombez au coin d’une allée, sur « les Michu », ce couple collant que vous passez l’année à éviter. Là vous êtes coincé dans les grandes largeurs et après les remarques toutes plus profondes les unes que les autres, « Quelle surprise…, si on s’attendait…, que le monde est petit…, etc.… »vous ne pouvez vous dérober à leur invitation.
Ca, c’est dans la vraie vie, tandis que dans la fiction, c’est une autre ritournelle, voyez pour moi : Mon studio est top, il fait beau sans trop de chaleur, le pub du coin est sympa, et j’en suis déjà un pilier. Sur le marché vraiment typique, tous les commerçants sont charmants et leurs produits peu chers. Et summum des summums, je tombe au détour d’une allée, quasiment dans les bras de Barbara. Mais si, Barbara, vous voyez bien de qui je veux parler : la grande pleine de formes qui bosse au pool de dactylo et qui vous sourie chaque fois qu’elle vous croise dans les couloirs. En tout cas, c’est ce qui m’arrive à moi. Elle porte aujourd’hui une petite jupe blanche style tennis qui laisse voir ses grandes jambes bronzées tandis que son scandaleux débardeur noir met en valeur le reste de sa personne. J’en suis à essayer de faire des phrases intelligentes avec les mots qui se bousculent dans mon cerveau : « Quelle surprise…, si je m’attendais…, que le monde est petit…, etc.… » lorsqu’elle m’entraîne sur une charmante terrasse. En sirotant mon café, tout en faisant bien attention à ne pas trop baver en la contemplant, je l’entends vaguement me raconter qu’il s’agit de ses premières vacances seule depuis son divorce, ce dont je me fous royalement. Alors, je m’empresse de dévier la conversation sur la soirée, parce qu’il n’y a rien de pire, que de devenir le confident d’une femme. C’est un « tue-l’amour » radical. Mieux vaut attendre le plumard pour le jeu des confessions. Je l’invite donc, mais comme je l’espérais, elle se récrie : « Non, viens plutôt chez moi, il y a une petite terrasse charmante ».
Parfumé comme dans une pub, je sonne chez elle en essayant de ne pas casser la bouteille de rosé. Chez elle, c’est tout petit, mais drôlement coquet. Elle m’entraîne sur la « petite terrasse » qui est largement aussi grande que le studio, avec une vue sublime sur la mer à travers de grands arbres fleuris. Une merveille ! Une merveille qui n’est rien à coté de Barbara. J’en ai le souffle coupé. Elle porte une courte robe d’été couleur jaune paille qui met en valeur son joli bronzage et ses grands yeux noirs. En me montrant la mer d’un grand geste de la main, elle dégage une douce odeur qui m’enivre. Pour me montrer une île au loin, elle doit se pencher contre moi et je sens son sein s’écraser sur mon bras. Elle m’entraîne vers le petit salon avant que je n’ai eu l’occasion de lui demander de me montrer encore une fois cette si belle île. En sirotant le rosé bien frais, nous devisons poliment, mais comme elle est assise contre moi, je ne sais ce qu’elle raconte, et encore moins ce que je lui réponds. Je suis en pilotage automatique. Il me faut réagir, alors je torche mon verre d’un trait et demande :
- Tu as préparé un soufflé ? Elle est surprise par ma question : « Non, pourqu… »
Je me suis penché sur elle pour prendre sa bouche. Elle ne proteste pas, au contraire elle répond avec ardeur à mon baiser fougueux. Nous ne tardons pas à rouler sur la moquette puis à nous retrouver nus pour finir enchevêtrer l’un dans l’autre sans que nos lèvres n’aient cessé de s’embrasser. L’instant est magique, mais il ne dure que ce que dure ces moments de bonheur. Faut pas rêver non plus ! En se redressant, Barbara y va d’un : « sacré baiser », qui me touche et me flatte. Après une petite dînette sous haute tension sensuelle, je me rejette sur elle mais elle me prend la main pour m’entraîner au lit. Bon, lit ou moquette, c’est le même topo et nous nous quittons radieux avec promesse de se revoir très vite.
Je lui ai promis une tournée des grands ducs, aussi le lendemain, découvre-t-elle émerveillée le joyeux bordel qui règne dans mon studio. Mais elle n’est pas bégueule et à mi-rosé, nous nous retrouvons à poil encore une fois. Je lui fais découvrir ensuite un charmant petit resto à poissons et c’est là que me viens cette idée à la con de l’emmener boire un verre dans le bar que je fréquente habituellement. Fierté masculine ? Bêtise crasse ? Envie de passer pour un cador ? Un peu de tout cela je crois. Dès l’entrée, le ton est donné par le patron :
- Oh Martin, la pêche a été bonne ?
Je reste malgré tout souriant et pour rester alerte je commande du blanc. Le vin blanc me rend plutôt agressif, mais avant une nuit d’amour, je préfère abandonner la bière. Après le patron, c’est les clients qui me font comprendre mon erreur : Les marlous rodent un peu trop autour de notre couple et j’enfile les verres un peu trop vite. Un grand escogriffe gominé met un rock dans le juke-box et vient inviter Barbara. Je serre les dents et les poings pour garder le sourire, et j’accélère encore ma consommation. Nous allions partir, parce que je sentais l’atmosphère du bar se tendre imperceptiblement, lorsque le grand vilain est revenu inviter Barbara. Je lui ai saisi le poignet. « Ma femme ne danse les slows qu’avec moi » Sous la longue mèche sombre j’ai vu luire le danger dans l’œil de cet homme. Il n’était pas habitué à ce que l’on lui résiste. C’était pas le genre. Alors il a posé sa main à plat sur mon front pour me repousser contre le bar. « Tu ne sais pas à qui tu parles » Je n’avais aucune intention t’entamer le dialogue avec ce cave, d’autant moins que j’ai horreur qu’un inconnu me menace en posant ses pattes sur moi. Comme au ralenti j’ai vu ce type me parler entouré d’une cour rieuse et menaçante, alors ma main a saisi une bouteille à tâtons, l’a brisée au jugé et je lui ai tranché la gorge sans prononcer un mot. En crevant, sa carotide a repeint en rouge tout un pan de mur.
Le blanc ça énerve.
Le marlou était le fils du plus gros caïd de la région. On me change de cellule chaque soir et de prison chaque semaine. Les flics et les matons font des pronostics sur ma longévité. Pour beaucoup, je n’irai pas jusqu’au procès.

1 commentaire:

Eloïse a dit…

Pauvre Martin, Pauvre Misère... l'a jamais de chance avec les femmes celui-là.