vendredi 15 juin 2007

N°15 La Fée

La fée n’était pas là lorsque je suis allé aux toilettes, ça j’en suis certain. Et ce n’est pas la peine de ricaner, je lis dans vos pensées : non, je n’avais pas bu. Enfin, pas encore assez bu si c’est ce que vous voulez savoir. Toujours est-il qu’elle était là à mon retour et que je n’ai eut aucunes difficultés à deviner qui elle était. Une beauté pareille traînant dans mon rade favori à cette heure avancée de la nuit, sans provoquer la moindre émeute, faut pas avoir fait Science-Po pour comprendre de quoi il retourne. D’ailleurs, elle ne regarde que moi et elle me sourit comme peu de femmes ne m’ont sourit dans la vie.
Je tourne la tête dans tous les sens pour voir les réactions, mais personne ne bronche. Pas même Roger qui est pourtant collé contre elle. Elle semble invisible
D’un regard, elle me désigne le tabouret qui est contre le sien. J’ai un peu mal au crâne. Finalement j’ai dû un peu forcer sur l’alcool sans m’en rendre compte. Demain au réveil j’aurai tout oublier à part une barre magistrale en travers de mon pauvre cerveau. J’en ai déjà pris de bonne, mais ce soir, c’est le pompon, c’est ma première hallucination. Je la regarde mieux, et je trouve que j’ai plutôt l’hallucination de bon goût : Elle est vraiment top, cette femme. Trop top !
- Tu en fais une gueule, on dirait Titi.
Titi est un client avec un léger retard de cuisson. J’apprécie la comparaison.
- Tu ne vois rien ?
Je sais avant sa réponse qu’il ne voit rien. Il cherche dans le bar, alors qu’il a quasiment sur les genoux une femme comme jamais il n’en a croisée. Je recommande une tournée, manière d’amadouer mon ami avant de lui annoncer la nouvelle.
- Tu es littéralement dans les bras d’une beauté renversante.
- Continu comme cela et c’est toi qui va être renversé. Tu bois trop Martin.
Et voilà, c’est toujours la même chanson, dés qu’il m’arrive quelque chose d’exceptionnel, personne ne veut me croire. Les gens sont trop terre à terre. Je regarde la jeune femme qui sourie en levant les yeux au ciel pour me signifier qu’elle partage mon avis.
Roger m’exaspère avec son air suffisant, je me dois de lui clouer le bec. Je veux que cette fée de comptoir, m’aide à convaincre ce lourdaud.
- Demande moi un truc impossible, que je le réalise.
- Tu as déjà payé ta tournée, je ne vois pas ce…
- Arrête ton cinéma et demande moi la lune.
La fée me sourit, et je sais qu’elle va m’aider. D’ailleurs Roger me regarde différemment :
- Quand Riton arrivera, va donc lui dire ce que tu penses vraiment de lui.
Et mon ami rigole en buvant le demi que je regrette déjà de lui avoir offert. Je n’ai pas le temps de ruminer toute la rancœur qui est en moi puisque grâce à la fée qui me sourit toujours, Riton, la terreur des pentes fait une entrée bruyante, accompagné de son habituelle cour de traîne patins. Lorsqu’il passe devant nous, il nous gratifie de son très élégant : « Encore là les fiottes ? » Habituellement avec mon pote, on y va d’un petit rire complice, parce que, pardon, mais Riton, faut voir le bestiau ! C’est le caïd de la Croix rousse auréolé d’une réputation sulfureuse. On parle de casses, braquages, règlements de compte et de prisons. Ce dont on est sûr en tout cas, c’est qu’il a un caractère de cochon et le physique de tueur qui va avec. Vaut mieux pas le contrarier. Mais mon pote me regarde, et la fée me sourit. J’ai déjà fait tant de connerie pour le sourire d’une femme… Alors je descends de mon tabouret avec tout le cérémonial dû à la situation. Je pose ma main sur l’épaule du monstre, ce qui me permet au passage de vérifier qu’il n’a pas cessé l’entraînement et je l’attaque franco :
- Tu sais Riton, que tu n’es qu’une grosse merde et que tu commences à nous les briser avec tes airs de tueur des abattoirs ?
Mon idée est simple : Aidé de mon pouvoir magique, je vais lui balancer mon poing dans la gueule avant qu’il n’est eu le temps de décrypter mes paroles, parce que le gros, ce n’est pas Einstein tout de même.
J’en suis là de ma réflexion, lorsque le toit du bar me tombe littéralement sur la gueule. Avant de comprendre ce qui m’arrive, tout s’éteint et ce n’est que dix jours plus tard que j’émerge de mon coma. Roger est près de mon lit, et il sourit, soulagé de me voir ouvrir les yeux.
- Alors, Harry Potter, on se réveille ?
Et il me raconte la soirée, les tournées, la fée, Riton et la bagarre.
- Tu sais que tu es un héros sur les pentes. D’un regard il indique les fleurs et les lettres qui entourent mon lit.
- Les filles sont folles de toi maintenant, sacré veinard.
Avant de replonger dans le sommeil, je me dis qu’il y avait donc bien une fée ce soir là.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est pas faute de l'avoir attendue ! Mais bon, elle sonne bien, la clochette… à moins que ce ne soit carabosse !

Louis a dit…

Qui es-tu Rohic ? Fidèle lecteur ?

Anonyme a dit…

Un gars qui aime bien ta prose de comptoir, simplement. Si cela peut 'inciter à en livrer d'autres…