samedi 16 juin 2007

N°16:J’aime pas le patron !

Le patron n’a pas traîné pour fermé son rade. On l’a drôlement chauffé avec les potes ce soir, mais la goutte d’eau qui a fait débordé le vase, c’est Michel debout sur une table en train de beugler l’Internationale. Là c’est sûr, fallait fermer, on le connaît Michel, quand il retrouve ses vieux souvenirs Mao, tout le monde se planque, parce que la lutte des « Rhodia » à Vaise, puis les collages dans les quartiers avec les CRS au cul, et toutes ses bagarres passées, finissent toujours de la même façon : d’abord il pleure, puis il casse tout ce qui lui tombe sous la main en conchiant « ce putain de monde capitaliste » D’habitude j’aime bien, mais ce soir, non. J’ai envi de rentrer. Florence a promis, si elle ne finissait pas trop tard, de me rejoindre dans ma petite chambre. Et contre ça, même un Michel chauffé à blanc, ne peut lutter. Alors je pars seul de mon coté sous les quolibets des ivrognes. Le rideau de fer du bistrot se ferme avec un son lugubre. C’est à cet instant que l’orage éclate. Pas une ondée Bretonne, non, mais carrément une pluie tropicale qui me trempe jusqu’à l’os avant que je n’aie le temps de m’enfoncer sous un porche obscur. Si j’étais parti avec Michel, j’étais sauvé. Allez savoir pourquoi, ce grand gaillard se trimballe toujours avec un parapluie !
Je veux allumer une cigarette, mais je suis encore trop mouillé, alors j’observe la rue qui brille sous l’eau. Je vais tenter mon centième essai cigarette, lorsque je vois Lucien le patron du bar s’avancer vers mon refuge. Il doit avoir des cigarettes sèches et je vais sortir de mon trou lorsque quelque chose me retient dans ma cachette. Pressentiment ? Sixième sens ? Allez savoir. J’attends et j’observe avec curiosité le manège du gros qui semble attendre devant sa voiture sous son parapluie ridicule. Et là j’ai un choc en voyant arriver ma petite Florence, toute pimpante dans sa jolie robe d’été qui virevolte autour de ses cuisses bronzées. Ils échangent un baiser pleine bouche que je trouve répugnant. Je savais qu’elle avait quelqu’un dans sa vie, je ne suis pas naïf à ce point, mais la voir là, à lécher la trogne de ce gros porc me retourne le cœur. Elle m’avait dit que son histoire était finie, et qu’elle était en train de rompre. Elle n’en donne pas l’impression à discuter si complice. Je réfléchis à la façon dont je vais les abattre, ces amants dégouttants. Pourtant à mieux les regarder, je réalise qu’ils ne sont pas autant en harmonie que je le croyais. Ca discute dur. Et le ton monte apparemment. Bêtement ma fierté de mâle se trouve réconfortée : Elle ne m’a pas menti, elle doit lui expliquer notre situation. Mais non, ils s’étreignent. Mon cœur fait le yoyo, j’ai du mal à suivre. Ils sont dans l’auto maintenant, je vois le dos du gros masquer complètement ma petite puce et je réalise que je pleure doucement. J’aurais dû aller me saouler avec Michel.
Evidemment elle ne m’a pas rejoint cette nuit là, ni les autres nuits d’ailleurs. On a retrouvé son corps sans vie dans un méchant terrain vague de la région Lyonnaise. Etranglée. Putain de choc. J’ai réalisé que ce baiser fougueux que j’avais observé dans la voiture était en fait sa mise à mort. Mon petit à été assassiné sous mes yeux. Non seulement je ne l’ai pas secourue, mais en plus elle est morte tandis que je la maudissais. Les flics ont bâclé l’enquête comme pas permis. Ils ne sont même pas remontés jusqu’à moi. Je n’ai été convoqué que comme témoin pour confirmer l’alibi de Lucien, ce renard, qui a légèrement reculé l’heure de fermeture de son établissement pour se couvrir définitivement. Michel et les potes, n’étaient pas en état de se souvenir de l’heure et ils ont confirmé. On a conclut au meurtre d’un rôdeur et moi je pleure en ruminant ma peine.
Nous sommes retournés chez Lucien, mais pour moi, la bière à un goût amer. Personne ne parle jamais de Florence. Pourtant je suis convaincu que tout le monde pense à elle. Roger se moque de moi :
- Martin est amoureux, il ne tient plus l’alcool !
Je hausse les épaules en croisant le regard du patron. Il sait. Il sait que je sais. Je vais le buter, cette seule pensée m’aide à survivre. J’attends mon heure.
Lucien s’appuie sur le bar pour me parler quasiment dans l’oreille :
- Comment as-tu deviné ?
Je plonge mes yeux dans ma bière, il sourit :
- Elle t’aimait, ce furent ses derniers mots, ceux qui l’ont tué. Moi, je ne t’ai jamais aimé Martin. Trop fier, trop ironique, tu me gonfles. Pourquoi elle ? Tu avais besoin de me la prendre ? Il n’y a pas d’autres femmes sur Lyon ?
Pas envi de lui répondre, moi non plus je ne l’aime pas. J’ignorai qu’il était son amant. Mais à quoi bon parler ? Je sors sans un mot, sans finir mon verre. Une fois dans la rue, les larmes me viennent aux yeux et je me réfugie sous le porche qui m’a abrité l’autre nuit. Je fume, je rêve, et je pleure. Le temps a dû passer, puisque la voix de Lucien me fait soudain sursauter :
- Tu étais là l’autre soir? C’est donc cela ?
Il a les mains dans les poches et me défie du regard. Michel, m’a prêté une arme que je serre avec force. Mais encore une fois je baisse les yeux et Je me maudis. Je n’arriverai jamais à le tuer. Il éclate de rire et s’en va dans la nuit.
Finalement je lui ai roulé dessus le mois suivant. Je l’ai écrasé avec un 4X4 que j’avais volé pour l’occasion. Ce n’est pas mal non plus, moins salissant. Pourtant je ne suis pas plus heureux, même pas certain que Florence aurait approuvé ce geste.
Mais le nouveau patron est sympa, il paye souvent sa tournée.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et bien moi non plus je n'aime pas ce patron!!!! son compte a été réglé sinon la veuve noire s'en aurait chargée (rires)..
J'aime bien l'ambiance qui se dégage de ce texte. Je voyais la scène, un tournage style années 50/60 où il y a eu de bons polars..
Ce petit bar ma foi est bien sympathique et source pour vous d'imagination. Continuez à écrire..