dimanche 3 juin 2007

N°03 La petite robe

Cette petite robe d’été légère, dés que je l’ai vu dans la vitrine, j’ai su qu’elle était pour moi. Depuis des heures maintenant je réfléchis aux accessoires que je vais porter avec. La nuit est tombée sur Lyon lorsque enfin l’image que me renvoie la glace de l’armoire me satisfait. Mon intuition était juste, cette robe me va à ravir. Un peu courte peut-être, mais le printemps est si beau que toutes les audaces me sont permises. Le tissu est doux et léger. Je me sens nue en marchant dans les rues et les regards masculins confirment cette impression. J’avance rapidement évitant les yeux salaces qui me déshabillent. Ce soir s’offre à moi la chance de ma vie, et je ne vais pas la rater. Tous mes efforts ne tendent qu’à un seul but, conquérir le coeur de Régis. Régis le merveilleux barman du café des pentes. Jeanne et Frédérique, deux collègues de travail, m’ont entraînée une fois dans ce bar et depuis ce jour je ne rêve que de ce garçon. Il est grand et beau évidemment, avec des yeux renversants. Il possède de longs cils féminins qui donnent à son regard une puissance inouïe. J'ai cru mourir lorsque je l’ai rencontré, mais ce soir là je n’étais pas à mon avantage. Nous sortions de la salle de gym et ces deux salopes s’étaient bien gardées de me prévenir. Dans mon survêtement fatigué, je ne ressemblais à rien. De toute façon il y avait trop de monde pour que Régis ne m’accorde une seconde. Même s’il en avait eut l’intention, Jeanne et Frédérique ont tout fait pour monopoliser ce pauvre garçon. J’avais honte de leur attitude.
- T’as vu ce p’tit cul, y’a pas, ce mec j’vais m’le faire.
- De face non plus, il est pas sale, désolée ma poule, mais il est pour moi. Qu’est-ce que t’en dit Marie ?
Marie c’est moi et je restais silencieuse pour bien marquer ma désapprobation. Frédérique se mit à rugir :
- Chochotte, regardez-la qui rougit. T’as jamais vu un homme ma parole.
Je sirotais mon coca, trop humiliée pour répondre. Mais pour arrêter Frédérique il en fallait plus.
- Mate un peu sa braguette, y’a du monde en magasin tu peux me croire.
J’essayais de ramener le calme à la table :
- J’aime bien ses yeux.
C’est Jeanne qui éclata de rire.
- Ses yeux ! Tu plaisantes ? Chez ce mec il n’y a rien à jeter. Sur la place de Lyon aujourd’hui, il n’y a pas mieux.
La soirée fut affreuse et vulgaire. J’étais sous le charme de Régis, et ces discutions me mettaient mal à l’aise. Je rentrai tôt commençant à ourdir un plan.
Aujourd’hui l’heure à sonné, et c’est en combattante que je gravis les pentes de la Croix-Rousse. A mon entrée dans le bar je suis soulagée, il y a peu de monde. Régis d’ailleurs est seul derrière le comptoir. A son regard je comprends que j’ai presque gagné. Je lis dans ses yeux la surprise et l’intérêt mêlés. Il cherche dans sa mémoire à situer mon visage. Il lui semble qu’il me connaît mais n’arrive pas à déterminer avec précision les détails de notre rencontre. Qu’il ne compte surtout pas sur moi pour l’éclairer. je vais tant que je le pourrais éviter de lui parler de Frédérique et Jeanne. Pour l’instant, savourant mon effet, je traverse le bar pour venir me jucher sur un tabouret. Je suis presque au niveau de l’objet de tous mes désirs, et je ne me prive pas de l’admirer. Mes souvenirs ne m’ont pas joué de tour, il est encore plus beau que dans mes nuits de rêve.
- Bonsoir, on se connaît ?
Il a un sourire d’ange, et j’ai du mal à articuler une réponse. je dois avoir l’air cruche. Putain Marie, réagit.
-Je suis venu une fois oui.
- je ne pouvais oublier un tel visage.
Je suis liquide, mais il me faut garder la tête froide. Dans son métier, il voit des milliers de femmes et il a un baratin prêt pour chacune d’elle. Je ne veux pas être la groupie d’un soir, je veux être sa compagne, sa régulière et qui sait un jour peut-être sa femme. Pour faire mourir de jalousie les deux pestes qui m’ont humiliée ici.
- Je te sers une bière ?
J’ai déjà bu quelques verres chez moi pour me donner du courage et je devrai prudemment arrêter l’alcool. Mais comment résister à ce regard ?
Régis ne peut rester collé à moi, d’autres clients le réclament. Je sirote ma bière doucement en regardant la salle. Quasiment à mes pieds, il y a une petite table guéridon avec deux chaises. Un homme que je n’ai pas vu entrer est assis là devant son verre. Il a ses yeux à hauteur de mes genoux et salive paisiblement en contemplant mes cuisses dorées. Prétextant un croisement de jambes, je me tourne vers l’homme et écarte légèrement les genoux. Je m’empresse de les refermer en voyant le visage de l’homme virer au violet. Je me demande ce qu’il a vu mais cela lui a fait de l’effet. Soudain j’ai envi de rire, j’avais complètement oublié que pour éviter les marques sous ma robe légère je n’ai mis ni culotte ni soutien gorge.
- Qu’est ce qui te fait rire ?
Régis est devant moi, mais je ne me vois pas lui expliquer les raisons de ma joie. Il a renouvelé ma consommation et je me sens de mieux en mieux. J’oublie le vieux salace qui bave à mes pieds et nous bavardons tranquillement Régis et moi. Vers une heure du matin, le bar se remplit et Régis est très occupé. Mon mâteur est toujours là comme un chien fidèle et pour le remercier de sa discrète admiration, je lui refais le coup du changement de jambe. Il allait boire et son verre lui échappe. Je cache mon visage dans mes mains pour rire. Je me demande ce que les hommes ont à chercher sous nos jupes, je me vois nue tous les jours et n’arrive pas à comprendre ce mystère.
- Je t’offre à boire ?
Le nouveau venu qui vient de parler a le regard trouble, il n’en ait pas à son premier verre. Je cherche quelque chose à répondre sans le vexer lorsque Régis que je n’ai pas vu arriver pose sa main sur l’épaule de l’intrus.
- Laisse tomber Lucien, Marie est avec moi.
Je crois avoir mal entendu, mais non, le dénommé Lucien lève ses deux mains :
- Y’a pas d’lezard mon pote, excuse moi je savais pas. Régis lui souri et lui offre un verre. Il se tourne alors vers moi et je suis au bord de l’évanouissement. J’ai l’impression d’être dans un film à l’eau de rose, avec violons et ralentis. Une voix forte déchire ce rêve de pacotille.
- Elle est avec moi.
C’est le voyeur qui vient de gueuler, Régis sans perdre son sourire se tourne lentement vers lui. Mais l’homme s’est dressé et je vois luire la lame avant que mon amour ne réalise le danger. Sans réfléchir je me dresse sur mon tabouret, et me jette sur l’homme. J’entraîne tout sur mon passage et m’effondre sur l’agresseur. Je sens la douleur et perds connaissance.
Lorsque j’ouvre les yeux Régis est penché sur moi. J’essaye de lui sourire mais une brûlure me déchire. Je baisse les yeux sur mon ventre. Le manche du couteau sort de moi comme une incongruité lugubre. Une tache rouge noircie doucement. J’ai froid. Avant de sombrer j’ai une dernière pensée pour ma petite robe d’été.
- Elle est foutue, j’pourrais jamais la ravoir.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'idée est bonne, même très bonne. Peut-être à corriger quelques lourdeurs de style...
L'histoire de cette petite robe, si fraîche, qui servira de linceul si on peut dire, j'ai aimé. Ironies de la vie.