dimanche 9 octobre 2016

39. Christophe...Ogier.

  • Mon père s'appelait Ogier. Albert Ogier. Je ne pense pas avoir besoin de vous faire un dessin.
Non, pas la peine, même ce con de Lucien a saisit l'importance de l'info.
  • Ton père était en Algérie ?
Christophe s’arrête contrarié :
  • Laissez-moi vous raconter.
Et comme tout le monde se cale confortablement, Michel saute sur l'occasion pour passer derrière le comptoir pour se resservir généreusement. J'en profite pour tendre mon verre immédiatement imité par les potes. Christophe ne réagit pas, tout à ses souvenirs :
  • C'est l'histoire de jeunes gens embarqués dans une histoire qui est aussi la « grande histoire » ballottés entre leurs convictions, la peur et la connerie de l'institution. Imaginez-les ces gamins, jamais sortis de chez eux, pour la majorité, vivant toujours chez leurs parents, soudainement bombardés dans un autre département, un autre pays, un autre continent, même. L’Algérie dans les années 60, c'était vraiment un autre monde. Ils étaient paumés ces gosses. Pour mon père, c'était un peu différend : Il était très politisé, il travaillait, militait et vivait dans un petit meublé, loin de ses parents. C'était un jeune homme indépendant et rebelle. Alors, quand il a débarqué à Oran, il n'a pas été trop surpris. Il savait où il allait tomber, il s'y était préparé. Son arrivée à Mouzaïaville l'a conforté dans ses certitudes. Puis, est arrivée sa rencontre avec Didier Chapet, le plus beau moment de sa jeune existence.
Joël, complètement réveillé maintenant, intervient :
  • Son plus beau moment ? Tu n'exagères pas un peu ?
Christophe d'un geste de la main, écarte la remarque :
  • Pas du tout, ma mère qui m'a raconté tout cela était catégorique là-dessus. Chapet avait une âme de leader et une aura extraordinaire. Mon père n'était pas mal non plus. Ces deux là s'étaient bien trouvés. Ils ont rendu fous les militaires qui ne savaient pas comment s'en débarrasser. Ils sont cons les militaires, mais il faut bien reconnaître qu'ils savent régler ce genre de problème. Avant que ces deux là ne mettent le feu à toute la caserne de Mouzaïaville, ils les ont expédié dans la plaine. Une fois arrivés au domaine de Sidi Mahfoud, les deux complices n'ont pas tardé à séduire leurs camarade. Il y avait là tout ce qu'ils détestaient : Des militaires, des colons et surtout deux connards finis : Garde et Maboso. Tout était en place pour « l'explosion »
Nous restons suspendus à ses paroles, tous bien réveillés maintenant. Pourtant, c'est Paulo qui profitant d'une pause de Christophe qui intervient :
  • Alice ?
Je sursaute stupéfait et ne suis pas le seul. Où, dans quel repli profond de son cerveau torturé va-t-il chercher ce genre d'illumination, notre pote ? Parce que, bien avant que Christophe ne réponde, je sais, nous savons, qu'il vient de toucher juste. Alice ! Cette foutue jeune femme qui ne cesse d’apparaître au détour des confidences de tous ces vieillards ayant croisé sa route. Et effectivement Christophe d'un hochement de tête confirme ce que nous pressentions :
  • Une belle jeune fille. Mieux que cela apparemment. D'après mon père, tout le monde l'aimait.
  • Lui aussi ?
Il sourit :
  • Pourquoi en serait-il autrement ? Imaginez-vous ce que devait-être la vie de tous ces jeunes gars plein de vitalité, partagés entre l'enthousiasme de leur age et la peur qui hantait leurs nuits. L'apparition de cette beauté les a tous marqué et mon père, parait-il, en parlait, ému comme au premier jour. Mais cette beauté n'allait pas sans inconvénient. Cette jeune fille, comme tous les autres a rapidement été séduite par Didier Chapet.
  • Putain, c'était un tombeur ce mec.
  • Un peu comme moi explique Arobase déclenchant une bordée de rires.
Christophe rit, lui aussi de bon cœur, mais son récit lui coûte, je le sens bien.
  • Sachez que Garde devait-être le plus épris. Ce qui ne fit qu'alimenter sa haine un peu plus. Mais les jeunes gens avaient beaucoup d'autres raisons de se détester : Chapet et mon père étaient prêt à déserter et lorsque le sergent a modifié les tours de garde, tout s'est emballé.
Pendant qu'il parle, je laisse mon esprit s’égarer vers ces lointains rivages. Comment était ce domaine, comment étaient ces jeunes gens ? Quels étaient leurs passe-temps, leurs envies, leurs angoisses. J'essaye de me souvenir des visages de ces militaires. Où sont mes photos ? J'aimerais suivre les souvenirs de Christophe en contemplant ces photos. Mes amis sont comme moi, fascinés et Christophe continu de parler sans être interrompu.
  • Michel m'a dit que vous aviez rencontré Idriss et Maryam.
  • Vous connaissez Maryam et Idriss ?
Il poursuit sans tenir compte de mon interruption :
  • - Ma mère avait noté tous ces récits, elle voulait en faire un livre. Vous savez donc que beaucoup d'hommes s’apprêtaient à rejoindre le FLN.
  • Nous avons cru comprendre aussi, que le FLN n'était pas plus enchanté que cela à cette perspective.
Christophe sourit :
  • Oui, ces soldats inexpérimentés risquaient plutôt de les gêner. Et surtout ils avaient peur d'être « infiltrés » Le domaine Guérin n'avait pas bonne presse dans la guérilla. D'ailleurs, ils n'ont pas tardé à tuer le jeune trafiquant pour donner un exemple fort.
  • Pourtant votre père a bien déserté lui.
  • Oh oui. Mais pas comme prévu. Rien, ne s'est d'ailleurs passé comme prévu. Le conflit Garde/Chapet a précipité les choses. Quand Alice lui a annoncé qu'elle aimait Chapet, Garde est devenu fou et il a conçu ce projet de vengeance avec Maboso. Cette mission aux frontières du domaine devait leur permettre de régler le problème.
Il sourit :
  • Quand je dis régler, je n'exagère rien. Garde avait prévu d'abattre les deux hommes sans aucun scrupule. Les faire passer pour déserteur et les tuer froidement ne présentait pas trop d'obstacle pour lui.
  • Le salaud, ne peux s’empêcher de crier Paulo.
  • C'est le mot juste. Mais les deux hommes de troupe étaient sur leur garde et tout s'est passé très vite. D'après mon père, au premier coup de feu, celui qui a tué Chapet, il a pu bondir derrière un muret pour échanger une série de tir. Lorsqu'il a touché Garde, il a profité de la confusion pour s'enfuir loin du domaine. Il n'a jamais pu oublier cette nuit là et l'abandon de son ami mort près de lui. C’est devenu une obsession.
  • Et il s'est vengé ?
  • Sans aucun doute. Il avait eut le temps de peaufiner son projet en Amérique Latine. Il a préféré attendre l'amnistie totale de 81 pour remettre les pieds en France.
  • Sa peine n'avait pas été levé ? C'est Jo, toujours au fait des événements qui est intervenu.
Christophe ne répond pas tout occupé à nous resservir. En réalité, son père aurait pu rentrer en France plus tôt, et il l'a certainement fait pour effectuer quelques repérages, mais il a préféré attendre. Par hésitation ? Pas peur ? Peut-être tout simplement par manque de temps ou de disponibilité.
Maintenant, tout semble relativement clair, nous sommes face à une vengeance et il ne nous reste plus qu'à élucider, deux ou trois détails.
  • Des détails rugit Michel, à qui je viens de faire partager ma réflexion, tu te fous de ma gueule ? Et Ogier, qu'est-ce qu'il est devenu après ses meurtres ? Et Marchand ? Et Jonas ? Sans compter la tuerie de l’entrepôt.
Je dois bien m'avouer qu'il n'a pas tort et que je me suis laissé gagné par l'enthousiasme, suite aux révélations de Christophe.
  • Concentrons-nous plutôt sur les autres disparitions. Une idée ?
Il a lancé sa question à la cantonade, mais c'est le calme dans la troupe jusque ce que Paulo nous envoie au lit d'un :
  • Et si on retournait à Nyons ?

9 commentaires:

DAN a dit…

Ca s’éclaircit un peu certes, mais Michel a raison, alors je regarde mon agenda il je file à Nyons moi aussi !

Louis a dit…

Bon idée, Dan, retrouvons nous à Nyons, où mon pote Julot se fera un plaisir de nous faire découvrir quelques "petits vins" sans prétention, mais extra !

phyll a dit…

et un rebondissement... un !!!
je ne pourrais venir à Nyons, je suis débordé !!!... :o)

Louis a dit…

Merde ! Peux-t-on aller à Nyons sans Phyll ?
Cela me semble délicat...A moins qu'il ne nous passe un peu d'argent pour gouter du vin. Dan et Phyll voyez cela ensemble.

DAN a dit…

t’inquiète Louis, on voit ça ensemble...

phyll a dit…

pfff..... des sous ! toujours des sous !!!... :o)

DAN a dit…

Phyll, Je crois que l'ami Louis préfère les deux sous...féminins...

Louis a dit…

Hou, c'est les grosses têtes ici ? Je tiens à préciser ma pensée : Si ce glandouilleur de Phyll refuse de venir à Nyons, il doit laisser à Dan de quoi se payer une bonne petite tournée de blanc que nous boirons à sa santé !!! Non, mais !

DAN a dit…

..oui mais je réfère le rouge alors comenquonfait ?