Au bout de deux jours, nous n'avions pas avancé d'un millimètre et notre fierté en avait pris un certain coup.Nous n'avions que la liste des soldats qui avaient été envoyé dans la plaine de la Mitidja garder l'immense domaine de la famille Guerin :
Tout
d'abord Garde et Maboso, nos deux morts de Nyons.
Chapet
mort en 1961 en Algérie
Ogier
fait prisonnier par le FLN d'après les sources officielles, version
contestés par Rochette, un gars qui avait connu ce commando.
Clavel
et Pétut morts d'après nos renseignements.
Prieur
au Bresil
Stoppa
avec Alzheimer et Franc malades.
On
va interroger ceux qui peuvent encore parler, mais je suis
pessimiste. Prieur, peut-être ?
Alors
quand Garnier m'a donné rendez-vous dans son resto derrière la
place Bellecour, je m'y suis rendu en traînant les pieds. J'avais
autre chose à faire. Mais je ne peux rien refuser à Garnier.
Garnier et mon père étaient amis « à la vie, à la mort »
et justement à la mort de mon père, Garnier qui était mon parrain
m'a pris sous son aile. De ce jour, il m'a beaucoup protégé. Et il
a eut du mérite, parce que j'ai enchaîné les conneries. Je l'ai
beaucoup déçu en entrant à l'usine, il voulait faire de moi un
flic. Finalement aujourd'hui, il a presque réussi. Il sourit à mon
entrée dans ce bar restaurant, « Le bon cru », où il a
l'air d'être chez lui. Il me présente le patron et le cuistot et
m’entraîne sur une banquette sans oublier de commander un pot de
Mâcon. Je suis encore une fois surpris : Comment à deux pas du
centre de Lyon truffé de « lieux branchés » peut-on
imaginer un endroit aussi sympa rempli d'habitués hilares. Comme je
reste interdit, Garnier sourit :
- Un drôle d'endroit, non ?
Je
reste silencieux à contempler tous ces voisins qui prennent l'apéro
en parlant du quartier, il ajoute :
- C'est ma cantine depuis déjà pas mal de temps
Comme
j'imagine qu'il ne m'a pas invité pour deviser au sujet de
l'évolution de la restauration Lyonnaise j'attends. Je n'attends pas
longtemps parce que Garnier n'est pas du genre à finasser.
- Tu connais bien Gianni ?
Je
dresse l'oreille.
- Plutôt, j'ai bossé avec lui pendant des années.
- C'est un ami ?
Je
repense à notre concurrence dans le cœur d'Emma et prends le temps
de boire une gorgée et d'assister à l'expulsion d'un client trop
bourré.
- Pas vraiment un ami, mais un compagnon d'usine. Un frère dans la lutte et ça, c'est quelque chose. Même s'il n'est pas exactement le genre de mec que j'aime fréquenter.
- Tu as de ses nouvelles ?
- Non, pas récemment . On ne l'a pas revu depuis un moment sur les pentes.
- Et cela ne vous inquiète pas.
J'éclate
de rire pour cacher ma gêne. Et mon andouillette arrive à point
nommé. Je sens que Garnier m'observe avec attention alors je lève
le yeux :
- Vous regrettez de n'avoir pas prit d'andouillette ?
C'est
à son tour de rire :
- Mon cardiologue me l'a formellement interdit.
- Un con, assurément ! Mais pourquoi me parlez-vous de Gianni ?
Là,
il me dévisage longuement sans sourire :
- Martin, je vous connais toi et tes potes, et les coups tordus c'est un peu votre signature.
Je
veux protester, mais il m’arrête d'un geste :
- Laisse moi finir. On a retrouvé l'autre jour les cadavres de deux petits voyous près d'un trafiquant minable bien connu de nos services. Nous n'avons eut aucun mal à remonter jusqu'à Gianni avec qui ces deux petites frappes avaient l'habitude de travailler. Alors je te le demande encore une fois : Où est Gianni ?
Sa
voix est dure, soudain, et j’arrête de manger.
- Vraiment, je l'ignore. Et tout le monde là haut... D'un geste, je désigne vaguement la direction de la croix Rousse, l'ignore. Mais on connaît l'oiseau et personne ne s'inquiète.
- Vous devriez vous inquiétez. Il marque un temps et se lève :
- Parce que Girard qui s'occupe de l'affaire ne va pas tarder à remonter jusqu'à vous. La juge d'instruction, Marianne Lefort est bien déterminée à avancer rapidement. Cette affaire sent le souffre. On a mit le black-out dessus. Rien ne doit filtrer pour l'instant. Les banlieues sont des poudrières et il nous faut absolument avancer sur des œufs. Le règlement de compte entre voyou est la thèse officielle mais ne t'inquiète pas, Girard ne va pas tarder à vous convoquer. Et s'il trouve la moindre chose, n'en doute pas il vous incarcérera. Vous avez un bon avocat ?
- A ce point ?
- Évidemment, à ce point, qu'est-ce que tu crois ? Vous étiez là haut, n'est-ce pas ? Raconte moi tout.
Alors,
comme c'est Garnier en qui j'ai une confiance aveugle, je lui ai tout
raconté. Garnier m'a regardé consterné :
- Quand arrêterez vous toutes ces conneries ? Il y avait des douilles aux quatre coins de cet entrepôt. Un vrai carnage. Pour vous, c'est la mise en examen et tout le cirque : Vous faites deux coupables idéaux. Laisse tomber cette vieille histoire de meurtres non élucidés à Nyons et mettez-vous dare-dare sur ce dossier merdeux, parce que sinon, cela va chauffer pour vos fesses.
Quand
je veux répondre, il est déjà parti et le patron me propose un
digestif. Je passe une grande partie de l'après-midi dans ce bar à
siroter des alcools en ruminant de sombres pensées. Heureusement, le
patron est sympa et se charge d'éloigner les importuns. Nous
savions, évidemment que la police ne tarderait pas à remonter
jusqu'à Gianni, mais la mort de tous ces petits trous du cul nous
semblait sans importance. La tuile. Je n'arrivais pas à le croire.
Nous n'aurions jamais imaginer que cette tuerie prenne des tournures
d'affaire d'état. Gianni avait-il franchit un cap ? Pourquoi
tuer ces gosses et Vandoole ? Une vengeance ? Nous étions
visés nous aussi, mais pourquoi ? Cela me paraissait gros, mais
à fréquenter tous ces petits malfrats, Gianni avait peut-être
basculé dans la grande criminalité. Si c'était le cas, nous
n'avions pas finit d'être emmerdés. Gianni ne va pas nous lâcher
et je m'attends au pire. On a gagné trop de fric facilement, dirait
Arobase et son moralisme chrétien.
Gianni
nous a téléphoné le lendemain, pour réclamer son argent :
- Merde, Gianni, qu'est-ce que tu fous ? Les flics te recherchent. Pourquoi avoir tué ces types ?
- Martin, je n'ai jamais tué personne à l'usine et pourtant, certains le méritaient et je ne vais pas commencer aujourd'hui. Dit à Michel de me rejoindre à l'endroit habituel et je lui expliquerai tout. Soyez prudents, il y a un fou furieux qui ne laisse pas de témoin derrière lui.
- Gianni, Gianni, tu te crois encore à l'usine ?
Lorsque
nous bossions, nous nous moquions toujours de notre pote et de sa
parano. Pendant les grèves notamment, il développait toujours de
terribles théories du complot. Il voyait des flics et des RG
partout. Cela nous faisait rire, mais aujourd'hui cela semblait plus
grave comme il ne manqua pas de nous le rappeler. Pendant que Michel
fonçait au rendez-vous nous nous sommes regroupés autour du
comptoir. Lucien et Arobase étaient persuadés que Gianni disait
vrai et nous reprochaient à mots à peine couverts d'avoir accepté
cette mission. Je n'étais pas loin de partager cet avis :
- Dit-donc, connard, ce n'est pas toi qui nous a supplié d'aider ton pote ?
Lucien
qui ne connaît pas la honte va répondre mais Joël intervient :
- Au lieu de pleurer sur le passé, essayons de comprendre un peu les choses. Qui a buté ces tocards ?
C'est
ce que je me demande depuis l'autre soir. J'attends Michel pour
décider avec lui de ce que l'on va dire aux flics. Car n'en doutons
pas, ils ne nous lâcherons pas aussi facilement. Les heures passent
et les discutions sont de plus en plus passionnées :
- Tout de même, il ne s'agit que d'un « petit » casse minable, et je ne vois pas qui aurait intérêt à faire ainsi le ménage de manière aussi radicale.
- Un gang rival ?
- Ouais, c'est plausible, mais pourquoi ne pas agir plus tôt ? Pourquoi nous a t’ont laissé prendre les bijoux et le fric aussi aisément ?
- Doucement, doucement, ils ne nous ont pas laissé prendre les bijoux et le fric. C'est notre courageuse résistance qui a repoussé l'ennemi.
J’ai
dit cela avec le sourire et chacun se sent soulagé de cet instant de
décontraction.
Je
regarde Paulo qui vient de s'endormir et m'amuse à calculer le temps
qu'il lui reste avant la chute. Comme les amis je me demande à quoi
rime ces meurtres. Joël intervient :
- C'est peut-être tout bonnement Vandoole qui était visé.
- Par un rival ? Mais ils ne sont que deux sur la région. Tu penses à Gianni ?
- Pourquoi pas. C'est un dingue, ne l'oublie pas.
Chacun
repart dans ses pensées quand Michel fait son entrée, réveillant
pour le coup Paulo qui allait tomber.
- Gianni n'était pas au rendez-vous.
La
nouvelle nous jette dans l'angoisse et sur nos verres. Lucien, pour
une fois, judicieux, résume bien l'état d'esprit général :
- Va falloir faire gaffe à nous, ça ne sent pas bon du tout.
3 commentaires:
Mince alors, le chasseur devient le chassé, là franchement on se demande comment il va s’en sortir ! Mais je te fais confiance tu trouveras bien la faille dans cette enquête, alors attendons-nous à un coup de théâtre d’ici peu !
ha ouais !!... ça sent le roussi à la Croix Rousse !!! :o)
Je serai absent jusqu'au 17 Louis, alors ne fait pas trop chauffer ton stylo (rire)
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