samedi 30 avril 2016

22. Une transaction.

Slimane Gerboug m'a donné rendez-vous sur une péniche branchée et amarrée sur les quais du Rhône, non loin du Pampelune, pas loin non plus de la « Place du pont » creuset Lyonnais de l'immigration depuis la nuit des temps. Je lui en fais la remarque :

  • C'est un hasard, même si j'ai beaucoup traîné dans ce quartier à notre arrivée en France. Mais il n'y avait pas de bateau restaurant comme maintenant.
Il est vrai que Lyon a beaucoup changé ces dernières années. Je ne connaissais pas ce bar. Il faut dire qu'avec les potes, nous évitons ce genre de lieux : Trop mode, trop jeune et surtout trop dangereux. Rater la passerelle après un apéro soutenu peut vous être fatal et vous faire facilement passer pour un con. Pas la peine d'en rajouter.
A cette heure, le bar est presque vide. Gerboug a l'air beaucoup plus détendu aujourd'hui.
  • Vous avez résolu la situation ?
J'aimerais qu'il en soit ainsi, mais cette affaire ne m'intéresse plus. Que ces gosses soit mort est d'une imbécillité crasse, mais pour moi, nous avons fait l'essentiel, même si un coin de mon cerveau me souffle que tout cela est de notre faute. J'ai eut une idée aussi je lui tend un papier sur lequel j'ai écris les coordonnées de Jonas. C'est un peu gonflé, car pour l'instant, rien ne vient accréditer cette possibilité. Mais il faut bien calmer mon client. Envoyer, éventuellement Jonas à la mort ne me pose pas trop de problème éthique. Quelqu'un, a bel et bien tenté de nous tuer et nous n'avons pas pour l'instant le temps et les moyens de fouiller plus à même cette histoire. Même si je sais bien que chaque gars de l'agence ouvre l'œil et les oreilles à la recherche du moindre indice. Un mouchard finira bien par trop parler et nous connaîtrons la vérité. Espérons que le ou les tueurs quels qui soient ne sont pas à nos trousses. Nous avons réfléchi longuement à ce problème avec Michel avant de conclure au peu de risque nous menaçant. Un peu léger comme conclusion, mais n'oublions pas que nous sommes des vedettes dans notre domaine !!! En attendant, Slimane pose son regard perçant sur le papier.
  • Votre lampiste ne m'intéresse pas, je veux connaître les commanditaires.
Je retire le papier et lui balance le mensonge que j'ai préparé :
  • Impossible, j'ai passé un deal avec eux. Avec les flics aussi.
Il me dévisage longuement avant de parler :
  • Vous n'êtes pas de la cité. Cela ne se passe pas ainsi.
  • Ne me faites pas chier avec votre cité.
Il a un mouvement de recul. J'ai dû crier sans m'en rendre compte.
  • Je vous donne l'assassin, vous avez les mains libres. Que voulez-vous de plus ?
Il pose ses deux mains sur la table pour amener son visage sur le mien. Je sens le souffle de son haleine mentholé :
  • Vous pensez que nous allons faire le sale boulot ? Et les donneurs d'ordres ? et Gianni ? C'est trop facile.
  • Non, ce n'est pas facile. Il faut composer avec tous les protagonistes. Gianni est sous surveillance. Peut-être même menacé de mort.
Il semble réfléchir. Je sais bien ce qu'il se dit le lascar. Il calcule qu'en « travaillant » Jonas ou Gianni, il parviendra facilement à remonter la chaîne. Avec Michel, nous avions évoquer cette hypothèse et mon pote m'a donné crûment son avis :
  • Qu'ils butent tout le monde, cela nous arrangera.
  • Même nous ?
  • Mais non, nous ne sommes pas responsables.
J'aime beaucoup l'optimisme de mon pote. Slimane regarde pensivement le fleuve :
  • Vous avez déjà été en prison ?
Comme je répond négativement, il sourit :
  • Ce type, là, il désigne du doigt le papier qui porte le nom de Jonas, il en a fait...
  • Comment le savez-vous ?
  • Je le sais.
Il me la joue mystérieuse, mais je ne relève pas.
  • Oui, il a fait de la taule, et alors ?
Je commence à en avoir marre de ce type. J'aimerais passer à autre chose et retrouver mes anciens d’Algérie.
  • Il va être plus difficile à « fumer »
  • Possible, mais c'est votre problème. Si vous renoncer, je donne le papier à la police et tout se réglera normalement.
Il me fixe longuement :
  • Ils n'ont pas trop forcé sur cette enquête, les flics, non ?
Je hausse les épaules.
  • Heureusement, sinon nous n'aurions jamais de boulot.
Il réfléchit à ce que je viens de dire, intègre l'info et finalement se fend d'un sourire :
  • Oui, vu comme cela.
Il se lève et me regarde une dernière fois :
  • Vous jouez un jeu dangereux.
Je vais lui répondre, mais il continue en m'arrachant le papier :
  • Je ne pourrai pas toujours vous protéger.
Il est sorti avant que je n'ai eu le temps de lui répondre. Je reste longtemps assis à contempler l’Hôtel-Dieu qui domine majestueusement le fleuve. Dans ma tête résonnent les sourdes menaces de Slimane. Je savais qu'en bossant avec Luigi nous allions vers les emmerdes, mais là, c'est du concret. On est en plein dedans. Mais pour moi, cette affaire est close, elle nous a rapporté pas mal de fric et j'ai réussi, si tout marche bien, à me débarrasser de Jonas qui, je dois bien l'avouer me fout un peu les jetons. Michel me sort de mes noires pensées d'un coup de fil m'enjoignant de le rejoindre chez Roger où nous attendent déjà Paulo, Lucien et Joël.
Ah la belle ambiance ! Le bar est plein et les amis occupent une table ronde-Notre table- Et je raconte mon entrevue. Joël, toujours un peu trouillard (ou réaliste) prétend que c'est de la folie :
  • Tant que l'on ne sait pas d'où vient l'attaque, il est imprudent d'avancer ainsi des théories bidons.
Michel balaye l'argument d'un revers de main.
  • Paye plutôt ta tournée et dis nous si Gianni est bien planqué.
Comme il nous affirme qu'il n'y a de ce coté aucun risque, nous convenons vu que les témoins de l'affaire de Nyons ne sont pour l'instant pas « auditionnables », un petit aller retour là bas nous serait des plus salutaires. En attendant nous allons nous coller au comptoir pour une soirée aux petits oignons. Le bar est plein de jolies filles et rapidement les enquêtes deviennent secondaires.
  • Putain, Roger, y'a un truc qui pue dans ton rade.
Roger sans cesser de servir des pressions me désigne Paulo en bout de zinc :
  • C'est l'autre zouave et sa médecine Maya.
Je m'approche de l'animal qui, penché sur le comptoir farfouille dans une sorte d'urne d'où sort cette fumée nauséabonde. Michel, assis derrière lui, semble fasciné par l'opération.
  • On nous a interdit de fumer dans les bars, ce n'est pas pour qu'un type comme toi joue au petit chimiste.
Paulo me jette un regard consterné :
  • Mais malheureux, ce sont des herbes rares, voire sacrées, avec lesquelles se sont soignées les peuples Maya il y a des millénaires.
  • Ah, oui, cela leur a drôlement réussi !
  • Ne te moque pas mécréant, il n'y a que cela qui soigne ma sinusite.
  • Ça et le blanc, lui souffle Michel hilare.
Nous nous approchons pour admirer l'artiste. Le temps semble suspendu face à ce moment historique. Jo me souffle à l'oreille qu'il achète ses herbes sur internet. « c'est interdit en France »
  • Tu m' étonnes, ça à l'air violent son truc.
Comme pour confirmer mes dires, alors que Paulo avance son pif sur sa préparation, cette dernière, certainement mal dosée, s'enflamme violemment. Paulo pour sauver ses poils de nez, recule brutalement. Michel qui était trop près se trouve obliger à un mouvement de recul ce qui déséquilibre ce con de Lucien, qui se sentant partir en arrière tente de s'accrocher à tout ce qu'il trouve sur le bar : verres, bouteilles, pistaches et cacahuètes. Vains efforts puisque voilà notre pote et son tabouret partis dans un admirable vol plané. Une merveille. Malheureusement ce benêt avant d'aller s’écraser au sol à tenté une dernière et pathétique manœuvre de survie en s’accrochant à son voisin. Ce dernier, déjà chafouin d'avoir été inondé de bière truffée de pistaches se retrouve au sol et fort mécontent. Lucien tente maladroitement de se redresser et son voisin beaucoup plus vif (et plus énervé) en profite pour lui balancer un grand coup de latte dans la gueule. Ouille ! La soirée va être animée. Michel a déjà saisit une bouteille de bière pour venger notre pote. Il assomme le malhonnête qui a frappé notre ami. Avant de s'évanouir, le type a eut le temps de gueuler à l'intention de ses amis. Amis qui sont drôlement nombreux me semble-t-il. Nombreux et costauds. Y'a des bûcherons à la Croix-Rousse ? Dans le doute, je me suis déjà saisi d'une bouteille de bière moi aussi. Les potes n'ont pas traîné à rappliquer et une baston féroce s'engage. Les cris de douleurs se marient harmonieusement aux bruits de verre brisé. Je vais plonger dans la mêlée quand je découvre une beauté brune paralysée d'effroi contre le mur du fond. D'où elle sort cette merveille ? Il n'y a rien de tel que la peur pour permettre au vieux dragueur que je suis de réaliser un vieux rêve : Abandonner les amis pour une soirée d'amour. Alors, je contourne les combattants et vais prendre la main de la jeune femme :
  • Ne restons pas ici, les chaises sont trop lourdes.
Elle me regarde sans comprendre, mais comme pour lui ouvrir les yeux, une chaise de bistrot vient s'encastrer dans le mur à quelques centimètres de sa tête.
  • Moi c'est Martin, venez. Ne traînons pas.
Je vous raconterais bien ma soirée, mais pipelettes comme vous êtes...

13 commentaires:

DAN a dit…

Bob bon ne dis rien, mais je finirai pas le soir non mais !

Louis a dit…

Oh Dan, tu vas bien ? Je ne comprends pas ton commentaire. C'est qui Bob ?

DAN a dit…

Ah la vache, j'aurai du mettre mes lunettes, j'utilisais l'expression "bon bon ! ! ! ! !" comme si j'avais dis "ne t'énerves pas", voila c'est tout...où sont mes lunettes...?

Louis a dit…

Des lunettes ? A 30 ans ? Ben, t'as pas de pot mon pote.

DAN a dit…

30 ans ? j'voudrais bien ! ! !

phyll a dit…

et bien en voilà une bonne baston !!!..... et la brunette en prime !!!.... :o)
sinon, j'aime bien l'expression "imbécillité crasse"...... je ne connaissais pas... c'est une expression Lyonnaise ??...
bonne semaine Louis !

DAN a dit…

non non Phyll, c'est une expression un peu vieillotte mais typiquement Française, faudrait quand même pas que les Lyonnais nous piquent nos expressions nanméo !

Louis a dit…

Alors là, mon cher Phyll, tu me poses une sacrée colle. Imbécilité crasse ? J'ai été fouiller sur le net et il me semble que c'est une expression non Lyonnaise. Tape "parler Lyonnais sur ta bécane et tu verras comment on "y" parle ici.Allez, on se fait "péter la miaille" !!!

Louis a dit…

Ah, voilà Dan et ces éclaircissements. Meci pour tout (vieillotte ? Je t'en foutrais moi, du "vieillotte" !!!)

phyll a dit…

merci !!! mais ne dit-on pas : la vieillotte du père Noël ???.......
(bon, j'va m'coucher !!...)

Louis a dit…

Houla, Phyll, dis moi ce que tu prends en ce moment cela à l'air d'être du "brutal". J'en veux.

phyll a dit…

... que du BIO mon bon Louis !!! :o)

DAN a dit…

...je confirme !