lundi 15 février 2016

11. On cherche des survivants.

 

  • Putains, les mecs, vous ne bosser jamais ?

Ma remarque est tellement banale que personne ne daigne relever. D'autant qu'un autre sujet préoccupe sérieusement tous ces soiffards : Roger a entreprit des travaux dans son rade. « Oh, juste un petit « rafraîchissement » a t-il tenté de nous rassurer. Nous lui avions bien conseillé de fermer son établissement le temps de l'ouvrage, mais ce vieux rat ne nous a pas écouté et a embauché une équipe de bras cassés de la Croix-Rousse. Résultat, nous devons circuler entre les zones « peintures fraîches » et les secteurs « attention matériels ». Pas trop de problème en début de soirée, mais plus les heures (et les tournées) passent, plus toute cette cohabitation devient difficile. Lorsque je suis entré, Lucien venait de se coller par inadvertance contre un mur d'un ravissant jaune fluo. Ravissant jaune fluo qui maintenant décore avec distinction une grande partie de la veste de notre pote. Le ton est en train de monter entre Lucien et Roger. Le premier reprochant au second d'être la cause de tous ces tracas pendant que ce même second répond vertement à Lucien qu'il n'est qu'un con. « Un con maladroit qui plus est » ajoute, t-il pour bien préciser sa pensée. Dans l'ensemble, nous serions plutôt de l'avis de Roger. Tout d'abord parce qu'il n'est pas prudent de se mettre mal avec un patron de bistrot et ensuite parce que Lucien est un con sans aucune discussion possible. Malgré ces évidences, et parce qu'il est toujours plaisant de discuter dans un bar, nous ne manquons pas de faire remarquer à Roger qu'il est peu prudent comme mec et qu'un procès pourrait bien lui tomber sur le coin de la gueule.
  • Regarde un peu ce pauvre Lucien, lui qui est un véritable parangon de la mode ressemble maintenant à un Roumain après trois semaines de vie dans la rue.
  • Ça va, j'ai compris, qu'est-ce que vous buvez ?
Clameur de satisfaction dans le bar et nous voilà vite autour d'une table, laissant Lucien râler.
  • Ne fait pas chier, et raconte nous plutôt tes recherches.
En maugréant, il parle.
  • On a enquêté sans relâche.
Quand je dis qu'il est con, je suis en dessous de la réalité. Michel qui n'est pas d'humeur le rabroue vertement :
  • Lucien, fait nous plaisir va te passer la deuxième couche.
Comme nous rions, Lucien part bouder au bar, apparemment plus du tout fâché avec le patron. Joël enchaîne :
  • Je me suis occupé du cas d'Albert Ogier. J'ai rencontré un jeune gradé qui m'a resservit le baratin officiel : Prisonnier du FLN et pas question d'accéder aux archives. « Beaucoup ont été détruites » a t-il ajouté. Ensuite, j'ai fouillé du coté de l'état civil. Ogier était fils unique et ses parents sont morts. Il reste un vague cousin dans la région Parisienne. J'ai pu le joindre au téléphone. Thomas Berne, le cousin, se souvient très bien d'Ogier, d'autant plus qu'il était lui même en Algérie à l'époque et que l'armée l'a immédiatement rapatrié en France.
  • A cause de son cousin ?
  • Apparemment oui. J'ai recontacté mon lieutenant qui m'a expliqué que ce genre de pratique était courante pendant un conflit.
Nous regardons Joël plongé dans ses notes. Il relève la tête un peu gêné :
  • Voilà. Il serait peut-être bon de rencontrer le cousin.
  • Je veux bien aller à Paris s'exclame Paulo, dans l'indifférence générale.
  • C'est tout ? Demande méchamment Michel.
Joël a rougit, mais en voyant nos sourires il reprend, fataliste :
  • J'ai aussi essayé de contacter le ministère de la défense Algérienne ainsi que quelques historiens, spécialistes de la guerre d'Algérie. J'espère recevoir des mails rapidement.
Plusieurs sifflets admiratifs viennent réchauffer le cœur de notre pote. Il est tellement ému qu'il demande à Roger de remplir les verres, ce qui lui vaut immédiatement notre admiration enthousiaste.
  • Et les autres, ils sont restés au bar ?
Paulo me lance un regard noir :
  • On ne te demande pas où tu étais.
J'évite de lui dire que je suis quand même son patron, ne voulant pas me mettre tout le bar à dos.
  • Avec Lucien, nous avons cherché à retrouver la trace des survivants du commando. Aucune aide de l'armée, cela va s'en dire : Raymond Prieur serait au Brésil, on a contacté le ministère des Français à l'étranger, il faut attendre. Patrick Franc et Jean Stoppa sont dans une maison de retraite. Les familles ont été un peu déroutés par nos demandes mais on a réussi à leur arracher une autorisation de visite.
  • Faut une autorisation pour visiter les vieux ?
Tout le bar qui suit l'enquête comme à la télé, rigole mais Lucien reprend très sérieux :
  • C'est par politesse. Et puis, on est pas flic. Imaginer la gueule de la famille en nous découvrant en train de cuisiner les anciens.
  • Et Jean Stoppa est en service spécialisé, ajoute Lucien : Il a un début d'Alzheimer.
  • Et ce Patrick Franc ?
  • L’hôpital où il vit, ne nous a pas répondu.
  • Nous voilà beau.
Et il est vrai que tout cela me semble bien mal parti. Michel se tourne alors vers les clients attentifs :
  • L'épisode des « Experts à la Croix-Rousse » est terminé, vous pouvez rentrer chez-vous..
Et nous attaquons les tournées en essayant de réfléchir à toutes ces énigmes : Pourquoi en 81 ? Pourquoi à Nyons ? Que s'est t-il vraiment passé en Algérie ?
Nous voilà bon pour une solide migraine, surtout si j'ajoute la question qui me tient le plus à cœur : Ma blonde me reviendra t-elle ?

4 commentaires:

DAN a dit…

Alors aux difficultés de l’enquête s’ajoute les difficultés des enquêteurs entre- eux, tu n’es pas sorti de l’auberge avec des bras cassés comme ça, enfin quand je dis auberge mieux vaudrait dire bar, terme plus approprié pour l’équipe n’est-ce pas. Toujours est-il que s’attaquer aux archives militaire ils ne doutent de rien ces gars-là !

phyll a dit…

comment peut-on espérer trouver la vérité en s'accrochant ferme à son tabouret de bar telle une moule à son rocher ??....
mais bon, si la moule a son rocher, la bande a son Roger !!!!! (je sais, aucun rapport mais j'avais envie de ce mauvais jeu de mots !!!) ... :o) :o)

Louis a dit…

Accrochés au comptoir nous résoudrons cette énigme, je n'en doute pas. D'ailleurs, quand on a fait un séjour au Havre, on ne doute de rien !!!

DAN a dit…

...t'en sais quelque chose...