lundi 4 janvier 2016

5. Le bon Cru.

Garnier m'a donné rendez-vous dans son petit restaurant préféré près de Bellecour. La moitié de la clientèle est là à trinquer avec le patron, bougon mais souriant. Le vieux flic est un habitué et nous ne coupons pas au verre de blanc de l'amitié. Après avoir bu quelques apéros, Garnier me raconte tout ce qu'il sait au sujet de cette affaire :

  • J'ai appelé les collègues de Nyons.
  • Les gendarmes ?
  • Oui, aujourd'hui nous sommes collègues. Ce qui n'était pas forcément le cas il y a quelques années. Il sourit : « Aujourd'hui, il n'y a plus personne à la brigade ayant connu cette époque, mais j'ai pu joindre un ancien. »
  • Il se souvenait de Garde ?
  • Pas du tout, mais lui était arrivée juste après. Par contre, Dominique Maboso est un souvenir pour lui : C'était son premier homicide. Et son premier échec.
Je reste silencieux.
  • Tout de même, il doit bien y avoir une trace de DEUX meurtres.
  • Les collègues de la brigade n'ont rien trouvé. Ils m'envoient tout ce qu'ils ont.
Le resto se vide doucement et le patron s'approche avec une bouteille de poire :
  • Goûtez moi un peu ça.
Et pendant qu'il nous sert je pense à ces deux morts à quelques mois d'intervalles. Morts loin de chez eux. Il va vite nous falloir trouver le lien entre ces deux types. Je ne crois pas une seconde au « sérial-killer ». Tuer des vieux, c'est pas la coutume chez ces gens là.
Garnier est rentré chez lui me laissant seul avec le patron et son cuistot, un géant tatoué avec lequel on réfléchit avant de critiquer la bouffe.
Une heure de poire plus tard, je n'étais plus en état de réfléchir et serait bien rentré me coucher, mais le devoir m'appelle !.

  • Bon, on a quoi ? Deux crimes quasi identiques et pourtant évaporés.
  • Enfin, pas tout à fait, Garde est chez les flics et Maboso chez les gendarmes. Chacun son mort. L'un est défiguré et l'autre non. Pourquoi changer de mode opératoire ? Est-ce que le tueur voulait ralentir les recherches pour Garde, alors que pour Malboso ce n'était plus utile ?
  • Deux échec, quelle merde tout de même.
Nous sommes, Michel et moi, assis au bureau et c'est plutôt tranquille, ce qui m'arrange après mes abus alcoolisés. Nous épluchons tous les rapports de ces histoires.
  • Et notre disparu, on l'oublie ?
Michel hausse les épaules, montrant ce qui pour lui est important :
  • Bof, c'est par ces morts que nous retrouverons Pierre Marchand, j'en suis certain. Georges va nous aider.
Je suis surpris parce que si Georges est un ancien de l'usine, il ne faisait pas parti de l'équipe jusqu'à ce jour.
Michel, sentant mon hésitation, lève la tête de ses feuillets.
  • Georges a besoin de boulot.
L'explication est valable et je hoche la tête. Il poursuit sur l'histoire du garagiste :
  • Le fils aîné de Garde n'a pas été trop interrogé. On devrait s'y mettre.
  • Tu n'imagines tout de même pas qu'il puisse être pour quelque chose dans la mort de son père ?
  • Non, mais sa mère peut-être.
  • C'est sa sœur qui t'a soufflé cela ? Et toi, où étais-tu en 81 ?
Il rit :
  • Alors là, j'ai un alibi béton, je draguais en fêtant la victoire de Mitterand. N'empêche, ce Louis Garde, il nous faudrait le revoir.
Et quand Michel a une idée... Louis Garde nous reçoit dés le lendemain dans son grand bureau lumineux :
  • Je n'ai pas grand chose à vous dire, je voyais très peu mon demi frère.
  • Nous ne venons pas parler de lui.
Il écarquille les yeux, surpris.
  • Parlez-nous de l'assassinat de votre père.
Il rougit violemment et se lève :
  • Je n'ai rien à dire. Sortez, j'ai du travail.
Michel de sa poigne de fer le repousse sur son siège.
  • Restez tranquille, nous n'en aurons pas pour longtemps.
Louis ne lutte pas et les yeux baissés chuchote :
  • Quoi encore ?
  • Vous aviez quel age à la mort de votre père ?
  • 16 ans et après ?
  • Nous reviendrons dit Michel, soudain. Et il se lève me laissant comme un con face à un Louis Garde surpris.
  • Il va bien votre collègue ? Je vous préviens que je n'hésiterai pas à avertir les flics si vous continuez.
Je peine pour calmer le garagiste tout en maudissant mon pote, que je retrouve hilare dans la voiture.
  • Tu es content de toi ?
Il me regarde par en dessous :
  • C'est voulu, c'est une technique Américaine pour déstabiliser le suspect.
Comme il a l'air de parler sérieusement, je n'insiste pas. Pauvre Michel, le vin blanc a fait chez lui des ravages. Je préfère lui exposer un petit truc qui me turlupine depuis quelques jours :
  • D'après les légistes, les deux victimes ont été tuées sur place à Nyons et ils n'avaient pas de voitures. Comment le tueur les a-t-il attirés là bas ?
  • Bof, il les connaissait.
Je regarde mon pote avec attention :
  • Décidément tu es en grande forme. Attends moi là.
Louis Garde n'est pas super accueillant et il me bloque à la porte :
  • Quoi encore ? Vous avez oublié votre peigne ?
Je me force à sourire, il faut toujours encourager l'humour. Toujours.
  • Dites moi ce qui a put pousser votre père à partir à Nyons ce jour là ?
  • Vous vous foutez de ma gueule ? Qu'est-ce que je sais de ce qui a poussé mon père à partir ce jour là, il était toujours parti.
On sent la vieille blessure chez Louis Garde, alors je le salue d'un signe de tête, avant de tourner les talons. Il doit me suivre des yeux puisque je n'entends pas la porte claquer. Sûr que l'on fait de drôles d’enquêteurs.
Un coup de fil à Joël afin qu'il passe chez la veuve poser la question et je suis dans l'auto. Après un violent demi-tour nous passons devant les fenêtres derrière lesquelles nous fixe Louis Garde.
  • Pourquoi tuer ses victimes à Nyons ?
  • Tu penses vraiment qu'il s'agit du même tueur ?
  • Oh Michel, tu me fais quoi là ? Évidemment qu'il s'agit du même tueur. Un tueur qui a bénéficié d'un extraordinaire concours de circonstances. La désorganisation des services de police et de gendarmerie. Trouvons le lien entre Garde, Maboso et Nyons, et nous aurons le tueur.
  • J'aime ton optimisme.
  • Passons voir sa sœur. Elle ne nous a pas tout raconté.
Malgré sa contrariété évidente, Claire Dupuy nous reçoit. « Entre deux portes" Précise-t-elle de manière à bien nous signifier que nous n'allons pas prendre le thé ensemble. Je suis persuadé qu'elle n'est pas seule et que nous l'avons dérangé.
  • Vous avez procuré à Pierre des documents appartenant à votre père, nous aimerions les consulter.
Elle hausse les épaules :
  • Ah, ça ? Il s'agit de vieux papiers et de quelques lettres que ma mère gardait religieusement. Tout doit se trouver chez Pierre à l'heure qu'il est.
  • Allons visiter son atelier alors.
Elle se récrit : « Pas question, retrouvez le d'abord »
  • Comment voulez- que l'on retrouve votre frère sans aucune info ?
  • C'est vous les caïds de l'enquête, non ? Je vous paye pour faire des miracles, alors faites les. Est-ce que vous avancez d'ailleurs ?
Malgré son ton un peu trop méprisant, nous lui détaillons les avancées de l'enquête.
  • Nyons ? Pierre serait à Nyons ?
  • Nous ne sommes sur de rien.
  • Hé bien, revenez quand vous en saurez plus.
La salope nous fout dehors sans plus de façon et je regarde Michel dont le manque de réaction me laisse pantois.
  • Elle a raison, nous nous vantons aux quatre coins de la ville et nous ne sommes même pas capable de trouver le moindre indice, la moindre piste. Faut se bouger.
Comme je reste silencieux, il ajoute avec fierté :"Un sacré caractère, cette nana. C'est bien une fille de la Mule"
Dans la voiture qui nous ramène au bureau je repense à tout cela et je me dis que Michel a bien raison. Nous sommes des manches. Nous n'avons pas avancé d'un millimètre. Sans compter ma blonde qui, elle aussi a disparu, si on va par là.

2 commentaires:

DAN a dit…

J’ai l’impression que cette enquête sur le garagiste, est au point mort… Mais laissons faire nos deux fins limiers, quoi qu’avec les Michel en ce moment…

phyll a dit…

oui, comme le dit mon pote, cette enquête est au point mort..... cette "boîte" de détectives manque de...vitesse !!!!
mais je suis sûr que tu le fais exprès de manière à nous embrouiller..... bon, à défaut de poire, m'en vas prendre une p'tite mousse !!!