24. Des Lyonnais rentrent...

Avec toutes ces péripéties, j'ai raté la visite du sémaphore, mais Michel me console d'un : « C'était à chier » qui fait sursauter Christelle, bien trop serrée contre Dan à mon goût. (Elle n'était pas amoureuse de Phyll, la sauterelle?)

• Tu déconnes, Michel, c'était super. On domine toute la ville de là haut.
• Ouais, mais pour surveiller ton bateau Russe c'était nul.

La petite hausse les épaules :

• Bof, il était trop loin de toute façon. Et qu'est-ce que tu espérais ? Voir des trafiquants cagoulés décharger des marchandises illégales ?
• Et toi, qu'est-ce que tu fous là depuis des jours au lieu de t'occuper de tes légumes bios ?

Christelle se détourne de nous et je demande à Michel si il ne serait pas sage de rapatrier sur Lyon nos collègues. Il ne répond pas pour se plonger, songeur, dans son verre. Après quelques minutes, nous nous isolons un minimum et je réitère ma demande.

• Tu crois qu'ils pourraient retrouver Aliide et Paulo ?
• Je crois surtout qu'il faudrait avertir les flics.

Je sais à quel point cette idée lui est pénible, pourtant j'insiste car je suis angoissé au sujet de mes amis.

• On n'est pas dans une bande dessinée, il nous faut de l'aide. Et n'oublie pas que Justine est morte
• Tu penses que c'est lié ?

C'est à mon tour de rester silencieux. Lié ? Pourquoi pas après tout ? Elle voulait me faire des révélations et j'ai encore une fois fait preuve de grand professionnalisme en l'envoyant bouler. Pauvre Justine, elle est morte à cause de moi, j'en suis certain. J'observe Piotr à la dérobée. Le grand géant pleure doucement en vidant ses verres à vitesse grand V. Je suis maintenant persuadé que les flics ont raison : Ce type est innocent. Je suis également persuadé qu'il ne pilotera pas de super tanker ce soir dans le port du Havre. Il a sa dose. Guitou le tient par le cou en pleurant lui aussi. A l'écart je vois Dan qui observe la scène consterné. Je m'approche de lui :

• Ils vont bien, non ?
• Vous devriez rentrer à Lyon.

Je regarde mon pote, surpris par son ton sérieux. Je détourne la conversation habilement :

• Tiens, où est Phyll ? Il prépare la bouffe ?
• Phyll est chez lui à préparer ses affaires, il doit quitter le Havre pour son « bizness »

J'ai l'élégance de ne pas demander de précisions en ce qui concerne ce « bizness » mais je demande quand même où il va. Dan à un geste vague :

• Bof, dans le midi ?
• Il passe à Lyon ?
• C'est possible.

Alors, je convoque immédiatement la troupe pour signifier à Julot, Cracoss et Guitou, qu'ils vont rentrer avec Phyll. Ils pensent tout d'abord, que je veux parler d'ici, mais quand je précise qu'il s'agit de Lyon, je vois leurs visages s'éclairer : Roger leur manque, faut croire. J'avais préparé pleins d'arguments, m'attendant à plus de récriminations.

• Et Christelle ?

C'est Guitou, toujours amoureux qui a posé la question.

• Elle choisira, elle est où d'ailleurs cette plaie ?

Au sourire de Dan, je comprends qu'elle est avec Phyll :

• Elle l'aide à faire ses bagages ?

Dan rit franchement. Ils ont de drôles de mœurs dans le coin. Un bruit sourd de chêne s'abattant brutalement dans la foret nous fait comprendre que Piotr, ivre mort, vient de s'écrouler au sol. Sa chute nous rappelle notre Paulo et j’appelle immédiatement les potes à Lyon. Quand je veux dire à Joël d'avertir les flics, ce dernier ricane en m'expliquant qu'ils vont investir ce soir, la ferme de Boris : « Pour libérer les otages, me précise-t-il tout fier de lui. »

• Faites pas les cons, demandez l'aide des flics.

Il me raccroche au nez et je croise le regard moqueur de Michel :

• C'est toi qui leur a mit cette idée dans la tête ?
• Ils n'ont pas besoin de moi pour avoir des idées à la con.

Ce que j'admets très volontiers. Alors j’appelle Mercier pour lui expliquer la situation. Il me traite d'inconscient et me raccroche lui aussi au nez. Comme les potes me font la gueule, il ne me reste plus qu'à enjamber Piotr pour demander à la jolie Cécile de me servir un verre. Plusieurs verres, en fait.