vendredi 8 avril 2011

Episode 20

20.

Nous ne faisons pas trop les marioles, le lundi matin, en pénétrant dans l'hôtel de police, Michel et moi. Il est vrai que s'introduire dans ce lieu plein d'uniformes est plutôt quelque chose d'exceptionnel pour nous. Sans menottes au poignets, s'entend. En tout cas au sous-sol, il n'y a presque plus d'uniformes, et dans la grande salle où nous avons rendez-vous, les trois flics sont en civil. Pierre nous accueille chaleureusement, ce qui n'est pas le cas de son équipe. Les murs de la salle sont tapissés de photos. Photos d'Aurélie et de la scène de crime. Il y a une estrade et quelques bureaux équipés d'ordinateurs. On nous offre le café avant d'attaquer rapidement la réunion. Pierre nous présente sommairement provoquant des sourires de ci de là. « Ils enquêtent sur la disparition de Pauline, la sœur de la victime. Quelque part cela peut nous être utile. » Puis, il nous présente ses deux collaborateurs : Philippe Jacobelli et Christophe Hugon. D'un geste il nous donne la parole et j'y vais de mon petit laïus : « Par ordre chronologique : 2004, Disparition totale du père, Gérard Valentin, et arrivée un peu rapide de Jean Lanterne, 2005, départ des deux ainés, 2010, disparition de Pauline, la gamine avec son nouvel ami Abdul Diakaté, un sans papier Indo-Pakistanais. Assassinat d'Aurélie Valentin sa sœur. »
Les flics me regardent, et quand ils comprennent que j'ai terminé, ils semblent atterrés, et c'est vrai que tout cela est bien léger. Pour dissiper le malaise, Pierre nous demande des photos, et un de ses adjoints demande fielleux : « On a quelque chose chez nous au sujet de ces soi-disant disparitions ? » L'ambiance n'est pas bonne et Pierre répond par la négative. Nous ne sommes pas très fiers quand un Christophe Hugon rigolard lève la main. « Votre type, là, le sans papier c'est aussi un « faux papier » croyez moi, j'ai bossé à l'immigration, et Diakaté n'a jamais été un patronyme Indien, Pakistanais ni même Cachemiri. C'est africain, il n'y a aucun doute. » Tout le monde a le sourire, et même si cela n'est pas trop grave, nous savons bien, Michel et moi, que nous sommes des cons. Michel se penche pour me souffler à l'oreille ; « Putain, Martin, la honte, laisse moi passer sous le plancher. »
Mais, Pierre explique à ses hommes que nous allons assister à leur réunion et des grognements très nets se font entendre. Pierre fait alors preuve d'autorité en expliquant que ce n'est pas négociable. Son « Ils peuvent nous apporter un regard décalé. » déclenche une franche hilarité. Je ne me suis jamais senti aussi mal dans un commissariat. Et pourtant ! S'adressant à nous, il nous met en garde : « Ce que vous allez entendre ici doit rester dans les grandes lignes, un secret. Certains détails du meurtre qui nous occupe ne sont connus de personne, surtout pas de la presse. » Chacun reçoit une liasse de photocopies, puis il passe la parole à son collègue, Philippe Jacobelli qui explique en détail le meurtre d'Aurélie. Les larmes me montent aux yeux quand il raconte les mutilations sexuelles. J'aimerais poser des questions, mais le type enchaine en expliquant avec gourmandise qu'il s'agit certainement du premier crime d'une longue série. « Et le sac à main volé ? » C'est Michel qui est intervenu, mais le type ricane avec mépris : « Une diversion, c'est élémentaire. » Je sens, que mon pote veut mettre des claques pourtant j'ergote : « Cela pourrait-être le contraire, les mutilations seraient la diversion pour nous éloignez du tueur. » J'ai parlé dans le vide puisque leur religion est faite. « On peut, d'après le légiste, situer la mort entre 22 et 24 heures. » Michel me glisse qu'il ne fallait pas sortir de Saint-Cyr pour arriver à de telles conclusions, et Pierre avec un sourire, nous explique qu'il faut parfois se garder de conclusions trop évidentes. « Le médecin est primordial dans ce genre d’affaire. Pour l'heure, on attend le résultat des analyses. Chacun sait ce qu'il a à faire, alors, réunion demain matin même heure. Je crois la séance terminée, pourtant Pierre se lève en nous fixant, Michel et moi : « Et le Zola ? » Léger flottement. « Ben quoi, le Zola ? » Michel se redresse, alors Pierre poursuit : « D'après nos premiers interrogatoires, l’ambiance n'est pas bonne dans ce cinéma depuis que la mairie a nommé de nouveaux administrateurs. C'est même carrément la guerre, à ce que l'on dit. » Il se tait. Michel sur la défensive répond d'une toute petite voix que tout cela, « c'est des conneries » « Ouais, ben conneries ou pas, nous aimerions vous entendre plus longuement sur le sujet. Martin, tu peux y aller, Michel te rejoindra plus tard. » Nous nous retrouvons Michel et moi un peu désemparé et c'est Pierre qui s'approche pour nous réconforter : « Le meurtre a quand même eut lieu dans un cinéma dont tu es le président, et tu connaissais bien la victime. » Dit il à Michel. « Mes gars sont des bons gars, vous verrez, mais ils vous prennent pour des charlots et c'est un peu normal, non ? » Il me fixe : « Putain, Martin, Diakaté, même mon petit fils sait que c'est un nom africain, merde ! Il y a même un Diakaté qui joue à l'Olympique Lyonnais, vous n'allez plus au stade ? » Nous baissons la tête et il enchaine ; « De toute façon, mes hommes ne vous entendrons pas. Ils ont flairé l'odeur du sang, l'odeur du sérial killer, alors vos histoires de familles, hein ! Mais ne lâchez pas. Continuez à creuser de ce côté là. Nous ne sommes pas assez nombreux pour les investigations. Et moi, j'ai confiance en vous. Rendez-vous demain.» Lui, il ne serait pas flic, je l'embrasserais.
Il confie Michel à ses hommes et me ramène chez Roger.

3 commentaires:

phyll a dit…

bien sûr que je m'étais aperçu de ton absence !! :o)
mais tu nous avais prévenu de ton emploi du temps chargé !!!
quant à l'enquête, elle piétine !!... mais j'imagine bien nos deux lascars dans ce commissariat avec tout leur mal être !!......

Louis a dit…

Bravo pour la réactivité !!!

DAN a dit…

Je n'aimerai pas être à leur place, mais qui sait, peut être bénéficieront-ils de la chance des débutants ?