dimanche 6 février 2011

Episode 12

12.

Lorsque je sors du métro, station République, par l'escalator qui vous dépose quasiment dans le hall du Zola, je découvre l'étendue du désastre : des flics partout, des ambulances, des gyrophares. La nuit est bleue et luisante. Des rubalises nous canalisent et des agents nous intiment l'ordre de circuler. Le cours Émile Zola est fermé dans les deux sens et les badauds se pressent contre les barrières métalliques. Je n'ai jamais vu autant de monde devant ce cinéma. Pas moyen d'avancer, un gros flic moustachu, vient de me le signifier assez grossièrement. A mon avis, Michel vient de massacrer les nouveaux dirigeants. Il en rêve depuis si longtemps. Mais non, je l'aperçois en grande discussion avec Pierre Garnier, le commissaire. Je les appelle, et ils font signe au flic de me laisser passer. Je passe devant le gros moustachu avec un sourire triomphant. A voir la gueule de mon pote je devine du lourd. Dans le hall du cinéma, tous ont les yeux rougis. Pierre m'ouvre la porte qui mène vers les bureaux. « Fais attention, ne touche à rien. » Un corps gît, couvert d'un drap. Un peu plus loin, un extincteur ensanglanté barre le passage comme une signature macabre. Pierre soulève le drap et j'ai un haut le coeur : « Aurélie repose dans sa tenue d'ouvreuse, comme endormie, si ce n'était cette tache de sang dans laquelle baigne son crâne. Pierre me tire vers lui. « Vous n'avez plus rien à faire ici avec ton pote. J'attends nos techniciens et je vous rejoins au  Zénith ». Je ne comprends pas ce qu'il me dit, et Michel est obligé de me prendre le bras. « Allez viens, ne reste pas là. » « Mais, Michel... » Des sanglots m’empêchent de poursuivre, alors je me laisse entraîner jusqu'au bar PMU du coin. Il est plein, le Zénith. Les flics procèdent aux premiers interrogatoires et même les fidèles de chez Roger sont là. « J'ai convoqué les potes, faut qu'on accélère notre enquête, c'est trop grave », me confie Michel face à ma surprise. « Notre enquête ! » Il a vraiment fondu un fusible mon pote. Si le patron du bar a l'air ravi, je vois bien que sa femme a pleuré elle aussi. Tous les bénévoles sont dans le même état. A la table des marlous de la Croix-Rousse, c'est aussi la consternation. Lucien, victime d'un éclair de lucidité incompréhensible énonce clairement ce que chacun de nous pressent depuis la découverte de la mort d'Aurélie : « Alors, Pauline est morte, elle aussi ? » Personne ne lui répond. Michel doit être le plus affecté de nous tous, pourtant il n'en laisse rien paraître, il tient dans ses bras Annick l'autre ouvreuse qui travaillait ce soir. Elle est inconsolable et Michel donne un coup de pied à Paulo, afin qu'il lui laisse sa chaise. Une fois assise, Annick semble se calmer. Nous aimerions la bombarder de questions, mais elle se remet à pleurer et Sandrine la directrice du Zola doit s'occuper d'elle tandis que les potes nous mettent au parfum de leurs dernières investigations. Arobase enregistre tout sur son portable, pendant que Michel prend des notes sur un petit carnet à couverture noire. Comme je me moque gentiment de lui, il me rabroue en me disant que cela fait pro et que je suis un con. Il a dû voir cela à la télé, sans aucun doute. Nous écoutons les rapports de nos collègues. Je ne saisis rien de leurs discours, tout à mes pensées douloureuses, bien conscient que nous venons de franchir un seuil. Un palier dans l'horreur. Soudain, Annick me sort de ma torpeur : « C'est de ma faute, c'est de ma faute ! » Comme nous l’interrogeons du regard, elle nous explique qu'Aurélie a voulu partir, « comme ça, d'un coup, comme si elle avait vu le diable. Je n'aurais pas dû la laisser partir, mais des spectateurs m'ont demandé des bonbons, et je me suis détournée. Quand je l'ai retrouvée... » Et elle se remet à pleurer. Michel m'explique que c'est elle qui a retrouvé sa collègue dans les locaux du personnel. « L'assassin était planqué là, sous les escaliers, et Aurélie n'a rien dû voir venir. Le mec était pressé, il a pris le sac à main de sa victime et a filé comme une ombre. » « Un mec ? Tu penses à un homme ? » Il me regarde désolé : « A coup d'extincteur ? Tu plaisantes, j'espère ? »

Quand Pierre nous rejoint, nous lui faisons part de nos dernières infos. Il prend le temps de siroter sa bière avant de parler : « Ouais, l'assassin était certainement dans la salle... » Il laisse sa phrase inachevée, comme s'il se parlait à lui-même. Annick veut rentrer chez elle, alors les flics nous demandent de la ramener. « Demain, c'est dimanche, reposez-vous, nous dit Pierre, mais lundi matin, 9 heures, je vous veux à la réunion, avec mes gars. Préparez vos dossiers, parce que, je vous préviens, vous ne serez pas les bienvenus. Il rit comme pour adoucir ses propos.

Alors, s'il faut bosser, direction « Chez Roger »

1 commentaire:

phyll a dit…

le mystère s'épaissit... les choses sérieuses commencent !!....