dimanche 20 juin 2010

49. Chez nous!

Depuis notre dernière soirée, nous n'avons quasiment plus quitté Roger et son bar mal finit (comme lui, d'ailleurs !) La journée nous aidons les artisans qui se dépêchent de terminer le travail. Ils se dépêchent parce que Roger a promis des primes (avec notre fric, vous pensez bien), mais surtout parce qu'ils ne supportent plus « nos conseils avisés » Et c'est vrai qu'entendre Lucien expliquer aux peintres comment passer « la dernière couche » ou Paulo dire à l’électricien comment respecter des normes qui doivent dater de l'avant guerre (celle de 1870) cela doit être usant. Le plombier par exemple est entré pour une longue cure de sommeil, à l’hôpital psychiatrique du Vinatier. Arobase l'aidait du matin au soir. « Je ne comprends pas, on s'entendait bien, pourtant » viens nous confier ce monstre exempt de tous remords. Michel et moi, calés au chouette comptoir d'acajou, nous savourons l'avancée des travaux en fins connaisseurs. Il n'est pas question pour nous de travailler. « Je ne vais quand même pas salir ce costard de marque, non ? » me confie un Michel rigolard. Nous arrivons à petits pas vers la fin de la saison de ce blog, nous interrogeant sur l’opportunité de poursuivre l’aventure. « Depuis que l'on est riche, on a moins la « gnaque » » me confie un Michel nostalgique. Et comme je le regarde indécis, il continue : « Martin, dis-moi depuis combien de temps nous n'avons pas corrigé un patron, un cadre, voire un petit chef d'équipe ? » Comme je lui objecte notre chômage, notre usine fermée et notre patron mort, il souffle bruyamment : « Pfft ! Mon pauvre Martin, nous nous sommes embourgeoisés voilà tout et le patronat redresse la tête. Tu vois la politique sociale actuelle ? La peur a changé de camp, et cela n'est pas bon » Je baisse la voix pour lui répondre en riant : « C'est que nous sommes des patrons nous aussi, aujourd'hui » Réponse qui me vaut une bonne bourrade de la part de mon pote. Je sais que dans le fond, il a bien raison. Tout ce fric dont nous disposons, même si nous ne l'utilisons qu'avec modération, nous a imperceptiblement changés. Comme s'il lisait dans mes pensées, Michel conclu avec brio et élégance : « Ça fait chier, Martin, ça fait chier ! »Comme nous n'allons pas tarder à rejoindre le plombier dans son hôpital psy, Roger ramène sa grosse trogne rougeaude : « Vous m'avez pas l'air très gais mes canards, elle n'est pas bonne ma bière ? » Michel se dresse sur son tabouret pour choper Le gros par la cravate. « Primo, c'est notre bière, secundo on boit du blanc. » Roger proche de l'apoplexie lève les bras en me prenant à témoin : « Merde, qu'est ce qui vous prend ? C'est votre pote Julot qui choisit les vins, ils ne sont pas bons ? Il est bien assez chiant Julot, sans que vous ne veniez en rajouter. » « Laisse tomber, nous faisons une petite crise existentielle. Les odeurs de peinture je suppose. » Quand nous sommes comme ça, Roger commence par planquer tout ce qui craint. S'il le pouvait, il descendrait le grand miroir comme le fait le patron du saloon dans les album de Lucky Luke. Mais comme son bar n'est pas encore ouvert au public, la soirée se termine dans le calme, exceptée, la baffe magistrale que se mange ce pauvre Lucien. Michel en me raccompagnant, me dit qu'il a un plan. « tu connais le patron de Marie ? »Marie est son grand amour du moment, une blonde ravageuse qui bosse chez « Gonzales » un célèbre glacier de la Croix Rousse. « Ce mec est un monstre antisocial qui mérite une bonne leçon. J'ai besoin de toi » J'ai fait semblant de n'avoir rien entendu et mon pote a fait semblant de n'avoir rien dit. Nous avons donc continué comme si de rien n'était.
J'ai entendu : « Comme des vieux ! » ?

3 commentaires:

Papa de Lili a dit…

Parfois la richesse est une plaie! Allez Martin du courage: achète des actions de Euro-tunnel et d'autre machins en baisse régulière... La ruine est la sauvegarde de ton moral...
Amitiés.

phyll a dit…

si tu ne sais pas quoi faire de ton fric, rachètes l'équipe de France !! elle est soldée en ce moment !!! ,o)

BBK.mel a dit…

Puisque Martin et Michel ont de l'argent, qu'ils se sentent de plus en plus une âme de patrons, il faudrait qu'ils lancent une entreprise de services. Du genre qui aide à régler les litiges et les comptes. L'art et la manière de capitaliser sur un savoir-faire.
Préviens moi lorsqu'ils lancent leur boite, j'aurais éventuellement à leur parler d'un litige avec mon inspecteur...