samedi 16 janvier 2010

41. La jolie carte de vœux enneigée.


Il neige sur Lyon. Bon, d’accord, il neige partout, mais ici, la ville est tellement jolie que nous avons l’impression de vivre au milieu d’une carte de vœux. Une de ces cartes bien cucul la praline qui remplissent nos boites mails en fin d’année. Nous n’arrêtons pas, même les non-fumeurs, de sortir sur la terrasse pour admirer le paysage. Arobase tout exalté, réclame du vin chaud pour faire encore plus « typique » mais le patron le recadre immédiatement en lui disant que « Moi, vivant, il n’y aura jamais de boissons à la con, chez moi. Il veut pas une tartiflette non plus ? » Il est particulièrement bougon le patron en ce moment, comme s’il devinait instinctivement notre futur départ. Surtout qu’avec la fermeture de l’usine, ce n’est pas la joie dans le quartier. Même la baisse de la TVA (que l’on ne cesse de lui rappeler) ne parvient pas à lui rendre le sourire. Mais ce n’est pas le caractère du patron qui nous importe pour l’instant, puisque Paulo, oui, notre Paulo, tient ce soir la vedette. Figurez-vous que ce pauvre bougre s’est fait sucrer son permis et qu’il ne cesse depuis de geindre sur ce mauvais sort qui s’acharne sur lui. Nous, sympas, on le fait boire en lui demandant de nous raconter « l’injustice ». Cela dure depuis quelques jours, mais on ne se lasse pas d’entendre Paulo accuser : « Sarko et ces fumiers de flics ». Parfois l’un d’entre nous essaye de le raisonner : « Tu étais quand même méchamment bourré, et trois fois en plus ! » Mais notre héros balaye d’un geste ample cet argument fallacieux en même temps que son verre. Alors le patron gueule et nous on rigole. La routine, quoi ! Ce soir, Paulo est triste et il aurait besoin de nous, pourtant avec Michel nous abandonnons rapidement cette victime de l’alcool pour essayer de draguer quelques hypothétiques jeunes femmes égarées qui voudraient bien partager notre couche. Pas facile, puisque la neige a découragé les belles Lyonnaises face aux pentes de la Croix Rousse. Nous en sommes à nous demander si nous n’allons pas aller rendre une « visite d’affaire » à notre futur employé, le gros Roger, quand un bruit sourd et des cris nous font rentrer précipitamment dans le bar. Rien que de très banal : Paulo vient de lourdement chuter de son tabouret, tout en continuant à pleurer. « Faut rentrer, petit, tu as ta dose » Paulo hausse les épaules en remontant sur son tabouret tout en commandant une nouvelle tournée générale. Il saigne un peu, il est tout cabossé, mais il est beau notre Paulo, il est grand. Et nous sommes fiers de compter un gars comme ça, parmi nous. Mais, il faut bien finir par rentrer, comme nous le fait remarquer avec insistance (et lourdeur) le patron. Une fois dehors, nous découvrons que la température a spectaculairement chutée. Les rues et les trottoirs sont couverts de glace, et il ne nous faut que peu de pas pour comprendre notre douleur. Paulo, dont ce n’est décidément pas la soirée, réalise le premier, une glissade réellement artistique mais néanmoins douloureuse. Nous ne pouvons nous empêcher de rigoler, alors Paulo nous agonit d’insultes tout en essayant de se relever. Mais il va de chutes en chutes, l’ivresse et le verglas se conjuguant pour lui compliquer l'existence. Le patron du bar des sports, le fourbe, s’est empressé de baisser le rideau nous coupant ainsi toute chance de retraite. Alors, on a enlevé nos chaussures, et bien stabilisés grâce à nos chaussettes de laine, on a attaqué les pentes de la Croix Rousse pour aller déloger les minettes dans leurs foyers et assécher tous les bars encore ouverts. Il me semble (mais je n’en suis pas certain) que nous nous sommes battus vers les Terreaux, mais ce qui est sûr, c’est que je me suis réveillé allongé au coté de Paulo. Putain, on est bien loin de la jolie carte de vœux enneigée ! ! !

6 commentaires:

BBK.mel a dit…

Vision apocalyptique que celle de Paulo au réveil !!

Louis a dit…

Méchante !!!

Francis a dit…

Quand il gèle, il vaut mieux éviter les côtes.... du Rhône.
Désolé, je n'avais pas mieux....

Unknown a dit…

toujours cett prose sublime!!!
tes tracts me manquent que de mots tu aurais à écrire!!
bises loulou

Louis a dit…

Oh, Josiane, bienvenue au bar. Je te remercie et je t'embrasse

Papa de Lili a dit…

Ben! Mon dernier commentaire n'est pas passé!
Je disais que pour Paulo et toi, malgré le froid, si j'ai bien lu, vous avez pris une dégelée... pentue!
Mais le printemps va revenir...
Amitiés.