samedi 2 janvier 2010

40. Riches


Riches, nous voilà riches. Un million d’Euro ! Pas de quoi s’emballer non plus, cela ne représente après tout que deux mois du salaire d’un footballeur international, le parachute doré d’un dirigeant bancaire incapable ou une super cagnotte de l’Euro-million. Sans compter qu’il nous faut partager. En quatre. Eh oui, en quatre parce ma mystérieuse brune a rapidement su nous convaincre de tout l’intérêt que l’on trouverai à nous associer. Outre ses yeux gris, elle ne manquait pas d’arguments solides. Puis, c’est la petite secrétaire de notre patron, oui, celle que j’avais qualifié un peu précipitamment de « potiche » qui est venu nous expliquer elle aussi, tous les avantages que nous aurions à collaborer. Ah les femmes ! Mais, pourquoi chipoter ? Après de tels débuts dans l’arnaque, nous ne manquerions pas, Michel et moi de multiplier nos gains. N’en doutons pas et en attendant, jouissons peinards de nos 250000 Euros. C’est Michel qui gère notre pactole à tous les deux. Il a exigé le silence, par peur des « casse couilles notoires qui ne vont pas manquer de nous réclamer du fric »Alors, on continu comme avant, je fais toujours des ardoises dans les bistrots, mais je les efface maintenant plus rapidement. L’argent ne fait pas le bonheur comme disent les riches, mais cela vous apporte malgré tout pas mal de tranquillité d’esprit.
« Ce soir on va chez Roger » je regarde Michel, un peu surpris, parce que depuis l’inauguration malheureuse, il y a quelques mois, nous évitons d’aller chez Roger, voire même d’en parler. Il faut dire qu’avec son bar, « tendance, lounge et à thèmes » il nous les gonfle, le gros. Personne n’a envi d’aller perdre son temps dans ce lieu froid et impersonnel. Michel devine mon incompréhension puisqu’il enchaîne : « On va causer affaire » ce qui ne manque pas de me troubler. Et nous voilà tous les deux (« n’en parle à personne avait précisé mon pote ») à pousser la porte de ce bar péteux et frimeur. Bon Dieu, comme je l’ai aimé ce bar ! Mais foin de sensiblerie, je suis curieux de savoir pourquoi Michel m’a entraîné ici. D’un regard, je réalise qu’il n’y a pas que le décor qui a changé. La clientèle aussi. Oh, la clientèle est un bien grand mot pour parler des deux couples de bourges qui sirotent leurs jus de fruits bios en silence. L’accueil de Roger me surprend : Embrassades et tournées gratuites comme aux plus beaux jours. Oubliée la baston de l'autre nuit et Roger a vraiment l’air heureux de nous voir. En les voyant aussi complice Michel et lui, je comprends que mon pote n’a jamais cessé de rencontrer Roger, quand je les pensais fâché. Sacré Michel ! Alors, comme au bon vieux temps nous nous arrimons à cet horrible comptoir pour enfiler les bières. Roger nous montre d’un geste las les quatre clients qui sortent en soupirant : « C’est comme ça tout les soirs, je ne vais pas pouvoir tenir longtemps. J’ai des traites énormes » Je m’étonne : « Et l’assurance incendie ? Ils ne t’ont pas remboursé ? » Roger prend un air penaud, alors Michel m’explique que les architectes, les designers…et les femmes ont mis le patron sur la paille. « Bon, voilà ce que l’on te propose : Martin et moi, on te rachète ton rade, et toi tu restes derrière le comptoir. » Je fixe Michel sidéré, qu’est-ce qu’il débloque mon pote ? Je vais l’interroger quand une bande de jeunes marlous bien propres sur eux vient se coller au comptoir près de nous. je leur accorde à peine un regard furtif, tant je suis sous le coup de la surprise. Michel lui, continue la discussion comme si de rien n’était, mais d’une voix assez forte pour être entendu de tout le monde : « Primo, tu vas me virer ces jeunes délinquants. Ton bar mérite mieux. » Le patron sourit, et c’est vrai que « délinquants » est un mot déplacé pour parler de ces jeunes gens bien mis. L’ambiance d’un coup s’est tendue, mais Michel calme tout le monde : « Allons, les gones, vous n’allez pas abîmer vos fringues de luxe en vous roulant par terre. Vous torchez vos verres, je vous les offre, et vous partez tranquillement à la recherche d’un nouveau bar plus accueillant pour vous. » Il sourit avant d’ajouter menaçant à l’intention du plus costaud qui paraît être le chef : « Parce que là, ça va être l’enfer, si vous vous obstinez. Croyez moi » Roger remet une nouvelle tournée, « la démarrante » précise t’il en jetant un regard explicite aux jeunes gens. Jeunes gens qui comprennent vite où se trouve leur intérêt, puisqu’ils quittent l’établissement rapidement. Pour sauver les apparences, nous leur serrons la main, et Michel déclare, une fois qu’ils sont partis : « De bon petits gars, tu n’aurais pas dû les lourder Roger, tu n’es pas très fin. » Roger va pour riposter quand il comprend à notre rire que l’on se fout de sa gueule. Il remplit les verres tandis que Michel reprend : « Bon, primo tu vas me virer cet horrible comptoir, là on va démolir, là je veux…, là on mettra… »Je n’écoute plus mon pote, tout à mon rêve de bar idéal. « Chez Roger », va devenir « chez nous » quel pied !

2 commentaires:

BBK.mel a dit…

De nouvelles aventures dans un nouveau bar ! Cool !

Serait-ce une idée, je trouve que Martin est de plus en plus calme et de plus en plus posé. Maturité ou sérénité ?

Louis a dit…

Vieillesse ?