mercredi 2 janvier 2008

10. La grève




Le bar des sports a toujours été notre « bar de jour », mais depuis la destruction de notre fief, il a tendance à devenir notre « chez nous ». Jour et nuit. Bob le patron nous supporte de plus en plus difficilement, cela saute aux yeux, pourtant il ferme sa grande gueule. Il a plutôt intérêt : Son bar est situé à coté de l’usine, et si nous partons, il perd les trois quarts de sa clientèle. Il ne nous fera jamais croire qu’il fait sa recette avec les retraités qui passent leurs journées à boire des cafés en répétant que c’était mieux avant. Avec Michel, nous profitons d’une pause matinale pour torcher une ou deux bières pendant que quelques vieux cons racontent leurs exploits passés. Notre expérience nous a appris que ce genre de types, révolutionnaires intraitables au comptoir, n’ont été que des moutons dans leur vie professionnelle. Michel va casser quelques grandes gueules pour se détendre les nerfs, quand Maurice fait une entrée fracassante beuglant sans dire bonjour : « Réunion, immédiatement » tout en filant dans la pièce du fond suivit par une vingtaine de gars remontés comme des pendules. Bob prévoyant commence à tirer des seaux de bières alors Michel lui fait un signe discret. Une fois servis, nous suivons la foule. Faut dire que Maurice, notre délégué syndical, est du genre à se faire respecter. Et puis, on n’a pas souvent l’occasion de voir autant de gars arrêter le travail comme cela. Ca chauffe, pas de doute. Nous, avec Michel, on est aux anges. Tout ce qui peut rompre la routine dégueulasse de cette boite pourrie, nous enchante, même si Michel râle un peu : « Merde, il fait chier Momo, y’a match ce soir » Parce que Michel, n’ayons pas peur des mots, est un frappadingue de l’Olympique Lyonnais, qui joue ce soir à Barcelone en coupe d’Europe. « Va pas démarrer la révolution ce soir, l’autre Stalinien » Et nous entrons dans la petite pièce enfumée en riant comme des cons. Maurice fait un chaud résumé de la situation que tout le monde connaît, mais avec ses mots et ses gestes. Et putain, qu’il est bon le vieux ! C’est vrai qu’il est un peu « Stal », mais pour soulever une foule, il s’y entend le bougre. La salle est chauffée à blanc en deux temps trois mouvements. Bob fait intelligemment circuler les bocks de bières qui font grimper l’ambiance qui n’avait assurément pas besoin de cela. Bon, une fois que tout le monde a bien gueulé et bien bu, Maurice jette un regard noir sur la salle :
- Alors, maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
- On soude les portes ?
Ca c’est Michel, qui n’envisage pas un bon mouvement de grève sans occupation d'usine et blocage total des portes.
- On est plus en 1936 Michel !
Mon pote baisse la tête, boudeur. Il s’écrase, mais je sais qu’il n’en pense pas moins. Souder les portes et casser du « jaune » c’est son truc, alors il attend son heure. On vote la grève, mais une grève sans violence. « Hein les gars » insiste lourdement Maurice en nous regardant. C’est la mode de nos jours, on fait grève démocratiquement, et « on se fait baiser dans les grandes largeurs » ajoute un Michel ronchon.
Le lendemain matin après une grosse soirée Foot, bières et andouillettes, on attaque un piquet de grève « sympa » Michel photographie tous les blaireaux qui osent franchir la grille devant nous. Ils ne sont pas nombreux, (on a notre petite réputation !) heureusement. Michel me demande de bien noter les noms, va y’avoir des représailles.
Finalement après une bonne semaine de lutte gaie et chaleureuse, (les filles de la compta sont vraiment trop jolies !) nos délégués arrachent le minimum, mais cela nous va puisque Michel m’explique qu’il faut garder des exigences pour refaire grève plus tard. « J’aime pas bosser chez ces cons »
Avec les primes obtenues, nous avons augmenté notre consommation de bières. Nous étions tellement heureux sur ce coup là, qu’il n’y eut aucunes représailles vis à vis des non-grévistes.
- On vieillit, mon pauvre Martin, on vieillit.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Ben! c'est dans l'ordre des choses aujourd'hui! Garde tes forces Martin, pour quand la révolution éclatera vraiment y aura pas mal de gueules à casser! Et faudra cogner pour deux, moi j'ai plus assez de force même si j'ai assez de rage!
Amitiés.

Louis a dit…

Mais, "la force est en toi" mon cher Alain !

Anonyme a dit…

Grèves...grèves... Mais tout le monde n'a que ce mot à la bouche !
Quand est ce que vous allez tous enfin bosser sans râler bon sang !!

;)

Bon après si c'est pour faire grève afin de sauvegarder le système éducatif.. ça se négocie ;)

Bonne fin de semaine ( bah on est déjà mercredi !! ) petit Louis.
PS: j'ai enfin répondu à tes demandes Louis, vient faire un tour chez moi ( mon blog rôôô !! =P )

Anonyme a dit…

Ben moi qui ne connaissais pas la vie en usine, finalement ça a l'air d'être chouette ! C'est rageant d'être passé à côté de ça ;-)

Anonyme a dit…

Pffffffffff ! Nous, on ne peut même pas empêcher les collègues qui veulent bosser de rentrer dans le lycée ! Le seul truc cool lorsque l'on annonce une grêve des profs, c'est que les élèves font la grasse matinée et ne viennent pas !