mercredi 10 septembre 2008

Quand le Gendarme... Par Alain


Quand je transite par Lyon j'ai pour habitude de dire un petit bonjour à mon pote Martin. Si j'ai un peu de temps je fais un détour par le bar de Roger! Alors j'en suis resté sans voix quand mon pote a lâché dans le micro: « Le bar a cramé... Rapplique, on a besoin de toi! »
Vendredi soir! Camion vide, je suis à deux pas de chez mon client... Mon temps m'appartient jusqu'à lundi! Direction la petite place où se trouvait ''feu'' le café de Roger.
Wouaff la cata! A la place du bar des pans de murs à demi écroulés, des poutres noircies, des gravats partout... Dans les westerns, les ranchs attaqués par les méchants indiens présentent le même aspect! Je m'approche: une odeurs âcre de bois brûlé me prend à la gorge. Le plancher à demi détruit, un grand trou laisse voir une partie de la cave. Une échelle plonge dans le noir et des bruits divers montent vers moi!
J'appelle... « C'est toi! (ben, voyons, qui d'autre!) Descend... » Je me risque. Martin, Roger et Michel m'attendent... « Salut à vous tous! » « Salut à toi tout seul! » Un silence puis Martin me montre un coin de la cave qu'éclaire une lampe à gaz: « Jette un oeil par ici... ».
De prime abord je ne vois que quatre auges de pierre grossièrement taillées puis, en observant mieux, je constate qu'il s'agit de sarcophages anciens et qu'ils sont garnis de squelettes en parfait état...
« L'incendie a mit à jour un foutu cimetière gaulois où romain » me dit Martin, « Ouais, et alors? » « Tu piges pas? Quand les fondus du patrimoine vont savoir ça ils vont se ramener avec leurs archéologues, leurs petits pinceaux, leurs petites truelles, ils vont mesurer dans tous les sens... » Je ne saisi toujours pas! « T'es bouché ce soir... Ils en auront pour des mois! Pas moyen de reconstruire tant qu'ils seront là!... On ira ou, nous autres, en attendant? »
Je perçois le drame: « Qu'est-ce que vous préparez? » « Faire disparaître tout le bazar au plus vite, sans compter qu'il y a celui-là... » Il me montre un cinquième squelette à l'air plus neuf que les autres!
« C'est qui? » « Un gars qui est clamsé de saturnisme! » « Saturnisme? » Il m'exhibe un petit trou bien rond dans le crâne du macchabée: « Ingestion non désirée d'une certaine quantité plomb! Si, en plus, les poulets s'en mêlent, tu vois le truc? » Je vois! « Je viens faire quoi la dedans? » « On a emprunté un camion de chantier. Un truc avec une petite grue dessus... On compte sur toi pour le faire marcher! »
Une heure après le premier cercueil est dans le camion... Malgré le bruit les habitants du quartier ne se montrent pas. Il faut dire que sur cette petite place la discrétion est une loi! Johnny est venu nous rejoindre. En trois heures la cave de Roger est débarrassée des sarcophages et de leurs occupants. Le tout est sobrement dissimulé sous une bâche.
« Quelle direction? » Martin me répond: « Solaize tu connais? Il y a un un immeuble en construction... Je sais qu'une dalle doit être coulée demain! On va mettre ces trucs dans le trou! »
Nous venons de passer Feyzin. Pas un poil de circulation. La nuit est bien noire et notre but proche! La chance nous laisse soudain tomber! Une voiture de gendarmerie nous double!
Arrêt! Quatre gendarmes uniformisés déboulent... Nous descendons de la cabine. « Papiers du véhicule s'il-vous-plait ». Pas de problèmes, l'emprunt du camion ayant été fait incognito et certainement pas encore découvert!
« Papiers personnels!... Qu'est-ce que vous transportez? » L'un d'eux se dirige vers l'arrière du bahut pour ouvrir les portes! Deviennent trop curieux les ''képis''! Martin me glisse: « On peut pas les laisser faire! »
J'acquiesce. Martin attrape le brigadier et, façon Depardieu dans ''Les compères'', colle un splendide coup de boule, fait éclater le nez du gradé qui perd toutes ses facultés si tant est qu'il en ait eu!
S'en suit une mêlée générale où Roger et Johnny utilisent à fond leurs qualités de souplesse et de vitesse! En un rien de temps les pandores sont neutralisés: un se trouve aveuglé par coup de pelle bien ajusté qui enfonce son képi jusqu'à la bouche, l'autre emberlificoté dans un large ruban adhésif le privant de ses mouvements et l'empêche de crier. Le dernier ne digère pas les deux coups que lui porte Michel au creux de l'estomac et choisi de s'évanouir pour éviter pire!
Rapidement nous entassons les ''bleus'' dans leur voiture, nous piquons la batterie manière d'avoir la paix un certain temps au cas ou... Au chantier nous expédions le déchargement, quelques pelletées de terre et de cailloux sur les sarcophages et on se tire fissa-fissa! Heureusement pas d'embrouilles au retour!
Dimanche matin dans un bar du centre de Lyon, je déguste un grand café crème pendant que Martin feuillette ''Le Progrés''. « Ecoute ça: Samedi sur un chantier de Solaize des ouvriers ont mis à jour des sarcophages de l'époque Gallo-Romaine... » il sourit et continue: « Les travaux ont été aussitôt arrêtés, probablement pour plusieurs mois... » un silence puis: « Autant eux que nous! » Il continue sa lecture et, brusquement, éclate d'un rire gigantesque et dit: « Devine ce qu'ils construisaient... devine! » puis entre deux hoquets il laisse tomber: « Une gendarmerie! »

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo pour la chute, en plus de tout le reste. C'est bien du Alain et cette fois ci, y'a de la castagne avec les pandores !

Marie-Georges a dit…

Solaize ou le far-west de la banlieue sud. Je reconnais bien là les gendarmes du coin. Jouissive, la bagarre !

Anonyme a dit…

"En voyant ces braves pandores
sur le point de succomber
moi, j'bichais car je les adore
sous la forme de macchabées".
Quelle chute !

Anonyme a dit…

J'ai adoré le texte, la chute, le rythme, braaavo c'est un beau retour en force et humour, mais je connais pas bien ce routier ;=) je vais aller voir ..... A bientôt.