dimanche 15 juin 2008

46. Le mariage de Michel

J’ai un peu l’air con à déambuler en plein jour dans les rues de la Croix Rousse avec mon bras cassé en écharpe, mais il fait un temps magnifique et j’avais besoin de m’aérer un peu. Au bar des sports, il n’y a personne aussi m’installais-je tranquille peinard à la terrasse pour siroter un petit café. Enfin, tranquille peinard une minute, pas plus, puisqu’un « putain Martin, qu’est-ce qui t’es arrivé » audible jusqu’au fin fond des deux Savoie retentit soudain. Je connais vaguement le type qui s’assoit sans vergogne à ma table, Rémy, un lourdaud particulièrement bien réussi.
- Tu t’es battu avec la bande de Gerland ? le Macumba ? Jean Louis ? C’est ta chinoise ? Ta blonde ?
Faut bien reconnaître qu’il est con, mais lui au moins, il a lu toutes mes nouvelles ! ! !
Comme je ne répond pas, il continue d’égrener une litanie de raisons plus ou moins vaseuses. Au bout d’une heure de ce manège je préfère lui raconter.
« Tu connais « Chez Roger » ? Tu connais Michel ? Ben voilà c’ était une soirée tranquille et suave, et nous sirotions nos bières paisiblement. Pour te dire comme c’était calme, Roger avait baissé la musique et laissé sa porte ouverte tellement l’air était doux ce soir là. Nous avions tout pour être heureux, pourtant je voyais bien que mon petit Michel était tracassé, soucieux. Il a prit soudain son air le plus sérieux :
- Tu vois Martin, depuis tant d’années on traîne nos groles dans ces bars de nuits, on picole, on dragouille, on se castagne, et finalement, c’est quoi cette vie ? Tu veux me le dire ? On est des gosses, on évolue pas.
Je veux lui dire à quel point il m’inquiète, mais il m’arrête d’un geste :
- Pas la peine de me sortir une grosse connerie comme d’habitude, j’en ai marre, je suis las. Martin, et là il me fixe dans les yeux : « Martin, je vais me marier »
- Te marier ? Toi le grand révolutionnaire ? Tu veux fonder un foyer, faire des chiares et cotiser pour ta retraite ?
- Ben oui. Où est le mal ?
- Je vais te le dire, moi, où est le mal. Tu vas faire comme tous les cons qui nous pourrissent la vie avec leurs télé, leurs gosses et leurs plans épargne. Merde, Michel, quand tu auras un crédit sur le dos pour t’acheter un pavillon minable à 1000 lieue de ce bar, tu me diras comme tout les jaunes : « Je ne peux pas faire grève ce mois-ci, j’ai les traites à payer » c’est à gerber.

Mon pote est ébranlé. Je savais que l’argument des grèves allait lui faire mal. A l’usine, combien de fois je l’ai entendu râler contre les non grévistes qui se justifiaient par leurs crédits. Alors il prend son air le plus grave :
- Martin, je te fais le serment, tu m’entends, le serment que jamais je ne briserai une grève.
Un temps, puis il ajoute très sérieux :
- Sinon tue-moi
A ce niveau là de la discussion, il nous a fallu des litres de bières. Moi pour encaisser la nouvelle et lui pour continuer à argumenter. Au petit matin nous pleurions l’un et l’autre sur nos tabourets et nos voix étaient pâteuses.
- Martin, tu es mon frère et je veux que tu sois mon témoin.
- Tu l’as déjà dit.
Le monstre hoquette :
- Non, mais mon témoin à l’église.
Et voilà comment je me suis cassé le bras. On ne se rend pas compte, mais ils sont haut ces putains de tabourets !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Pauvre Michel. L'expérience, il est vrai, ne se partage pas...

Anonyme a dit…

Wow, quelle chute, mes amis, quelle chute !!! :-p

Anonyme a dit…

Ahahah, pas mieux que Profette !

Anonyme a dit…

Résultat: quand on a chu...C.H.U.
Pauvre Martin!
Amitiés.