samedi 12 janvier 2008

N°29 Marion

Depuis que Roger a aménagé la cave de son rade en salle de concert, la clientèle a imperceptiblement changé. Elle s’est rajeunie et avec Michel nous ne risquons pas de nous en plaindre ! Notre bar est maintenant fréquenté par une bande de zoulous rigolards qui tapent la bière comme des grands, tout en fumant de l’herbe parfumée. Roger rayonne, il arrive à passer son immonde pisse d’âne en pichets de 2 ou 3 litres, et ça c’est de l’exploit. Evidemment, il a perdu quelques clients grincheux dans la manœuvre, mais qui s’en plaindraient ?
Pour ma part, je préfère les soirées rock, question de goût. Mais je ne suis pas bégueule, et j’assiste à tous les concerts, sauf ceux de musique planante. Ce soir il s’agit d’un petit groupe de musique « manouche ». Musique très à la mode en ce moment.
J’arrive assez tard et Roger m’accueille d’un « cela va te plaire » mystérieux, alors je saisis la bière qu’il me tend avant de m’engager dans l’étroit escalier qui conduit au sous sol. J’allume une gauloise parce qu’il y a une telle fumée en bas, que si je ne fume pas moi-même, je ne peux pas respirer. C’est ainsi.
Le groupe va entamer un nouveau morceau, le batteur bois directement au goulot de sa bouteille tandis que la chanteuse consulte le conducteur, dos tourné au public, puis elle se retourne et je prends une bonne baffe en reconnaissant Marion. J’avais entendu dire sur les pentes qu’elle vivait avec un musicien, mais la découvrir là sur la scène de mon bar préféré me déchire l’âme. Je n’imaginais pas la douleur que j’allais ressentir à la revoir. Deux ans. Deux ans de larmes et d’alcool. Je croyais la plaie cicatrisée mais toutes les sutures viennent de lâcher d’un coup et la douleur semble vouloir prendre la gestion de ma vie. Je remonte à l’étage en titubant et Roger arrête de ricaner en me voyant.
- Martin, Martin, ça va aller ?
Je ne peux parler, mais d’un geste, je lui fais signe de me servir. Après quatre ou cinq verres, je retrouve un peu de calme. Je vais rentrer, c’est mieux, lorsque je reconnais son parfum avant de sentir sa douce main sur mon épaule. L’alcool et l’émotion n’ont jamais fait bon ménage chez moi, alors je me retourne avec précaution pour me retrouver face à elle. Elle est avec un chevelu insignifiant qui doit être son mec.
- Martin, quel plaisir de te revoir.
Elle veut m’embrasser, mais je la repousse violemment. Je ne supporterais pas le contact de ses lèvres sur ma peau. Elle reste là, les bras ballants, interdite.
- Mais Martin, tu es fou. Laisse moi te dire bonjour.
Je suis furieux de son attitude, de son sourire et de son indifférence. Elle croit quoi cette petite sotte ? Qu’une passion s’efface ainsi d’un simple claquement de doigts. Son amour pour moi était-il réel ? M’a-t-elle vraiment aimé, en fait ?
Je lui balance tout cela et plein d’autres choses encore, violemment, méchamment. Elle pleure doucement et j’ai honte soudain. Je vais la prendre dans mes bras quand l’autre imbécile se plante devant moi :
- Arrête, tu la fais souffrir.
« Tu la fais souffrir ! » non mais je rêve, de quoi il se mêle ce grand sifflet ? Sans élan et sans réfléchir, je lui colle mon poing dans la gueule. Bien à fond. Et ça craque méchant du coté de son pif. Il saigne. Une bonne chose de faite. Je veux reprendre ma discussion avec Marion, mais elle ne s’occupe plus de moi, elle est penchée sur le blessé et me jette un regard noir. S’il me restait un brin d’espoir, c’est râpé. Je suis las d’un coup. Las et découragé.
Heureusement, les amis du musicien sont arrivés pour déclencher une bagarre historique. Avec Michel mon pote, on se jette dans la mêlée pour passer nos nerfs. On démonte la moitié de l’établissement dans la joie et l’allégresse. Roger rigole moins maintenant. Et cela me redonne le moral.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Il n'y a que les bonnes femmes pour croire que l'on peut rester amis après une grande passion ! Pffffffff ! Bon, ceci dit, Martin, il n'y met pas du sien !

Louis a dit…

Ah, BBK, tu avais remarqué ?

Anonyme a dit…

si j'ai bien compris le principe de ton blog, Louis, c'est un feuilleton que tout le monde alimente c'est ça ? Merci d'être apssé sur le mien. Janebella

Eloïse a dit…

Eh bien, il en a des rustines sur le coeur ce Martin..