dimanche 1 janvier 2006

My name is Arobase (un texte d'Hervé)

C’est comme cela que m’a surnommé mon pote Martin. Martin, c’est le type là-bas au comptoir qui sirote ses bières. Enfin quand je dis mon pote, disons plutôt qu’il est redevenu mon pote, lui qui était mon mentor !
Ce soir au bistrot, c’est calme. Roger le patron devise encore avec Martin à propos de la défaite de l’OL de la veille, ça discute tranquillement et les verres défilent les uns après les autres dans une ambiance sereine. Peu de monde dans le bar, quelques jeunes qui tapent sur MSN pour parler à leur voisin d’en face. Eh oui, le bar de Roger est devenu moderne depuis que le patron m’a demandé de le reloocker pour attirer une clientèle jeune et plus respectable. Ça, Martin ne me l’a jamais pardonné, surtout que la babasse a laissé sa place à un serveur informatique digne des plus belles salles de cyber café. Bref, une soirée calme en ce mois de juillet…Moi, je suis seul et profite enfin de ma première soirée de libre, faut dire que mon mentor m’avait chargé d’un projet informatique un peu particulier :
Dis donc Arobase, la vioque va avoir 50 ans me lâcha t-il un soir de janvier ! On va lui faire un site pour son anniversaire et « on », ce sera toi ! Je n’ai pas senti le piège, et pas méfiant je lui réponds par l’affirmative. Et là ç’en était fini de mes soirées ! Le bistrot de Roger m’était interdit et tous les soirs, je recevais un mail de Martin : « bouge toi le cul feignasse, mais qu’est-ce que tu fous, c’est quoi ces trognons de pommes » Enfin toute la poésie que seul Martin sait écrire après une soirée au comptoir…Nos relations commençaient à se dégrader, surtout lorsque je lui annonçai que je ne ferai pas la mosaïque de photos qu’il avait prévue pour le site. Il croyait que j’y mettais de la mauvaise volonté. J’avais beau lui expliquer, mais il prétendait que je n’en faisais qu’à ma tête. Ah, c’est dur la démocratie de comptoir ! Bref huit mois de galère, le site était fini, j’allais enfin pouvoir me remettre à mes 5 à 7 informatiques. Même cela, Martin ne pouvait pas le digérer, car comme il disait c’est un piège à gonzesse, ce truc. Faut dire que cela marchait pas mal – et comme pour la création du site de la Grande- toutes les filles venaient me parler directement et ignoraient Martin qui accoudé au comptoir me lançait des regards noirs : « elles bourdonnent toutes autour de lui, mais si elles savaient qu’il n’est même pas capable de faire une mosaïque pour un site ! » Un jour ça a pété, Martin comme à son habitude buvait ses bières en attentant l’âme sœur, enfin les âmes sœurs, car la veille il avait eu une touche avec deux petites vietnamiennes qui devaient revenir après leur spectacle car comme dit Martin « Les filles ont toujours des soirées de prévues, impossible de les voir avant 23 heures ». Et ce soir là, le bar ronronnait de bières pression, elles sont arrivées, mais au lieu d’aller voir Martin, elles se sont mises à scander mon surnom : « Il est où Arobase, il est où Arobase… » Un petit problème informatique que je n’ai pas eu le temps de régler : Martin ivre de colère s’est précipité sur moi et m’a distribué de sérieux ramponneaux. Roger est sorti de derrière son comptoir et nous a vidé de son bar « je veux plus vous voir ici, revenez dans un mois quand vous serez calmés» Mince la punition était dure, un mois de quarantaine cela fait réfléchir !
Et voilà, ce soir on se retrouve enfin chez Roger, Martin a repris sa place au comptoir, je me suis assis, seul, à une table en lui tournant le dos car nous étions gênés, l’un et l’autre de ce qui s’était passé. Martin est venu m’offrir une bière que j’ai bue seul mais à sa santé. Un peu plus tard, je lance le signe de connivence à Roger pour qu’il remette ma tournée. Martin a l’air d’apprécier. Tout va bien et je me laisse couler dans la satisfaction de retrouver un copain. Soudain la porte s’ouvre avec fracas, c’est la petite chinoise de Martin qui arrive toute énervée : son micro portable ne veut plus afficher les dernières photos qu’elle a faites en Tunisie (Ah oui, car comme le dit Martin, les filles elles sont toujours en voyage quelque part !) Bref elle passe comme une furie devait Martin, s’affale sur le siège en face de moi et implore : Arobase, il faut que tu viennes, c’est urgent » Moi, depuis le coup des vietnamiennes, je me méfie « ben, tu sais, il est tard, et puis je ne fais que des 5 à 7, c’est pas pressé » enfin toutes les fausses excuses qu’on peut trouver à une heure tardive.
Elle insiste en me faisant les yeux doux, ces yeux à qui on ne peut rien refuser. J’esquisse un mouvement, quand Martin –que j’avais oublié- se lève, attrape un écran d’ordinateur de la table voisine et me le fracasse sur le crâne. Sûr va y avoir des pixels de mort !
Hervé

1 commentaire:

Eloïse a dit…

Encore aucun commentaire ?! Mais comment se fait-ce ?!

Pfff, et dire qu'il y en a qui confondent les coquelicots avec des trognons de pommes... font bien d'écrire en police 40 ces zigues-là !!

Bon, bah le texte, comme le site en question, est super bien ! Mais ça, je le savais déjà, j'en ai déjà lu d'autres, et il se débrouille pas mal l'arobase !

Félicitations !