vendredi 28 décembre 2007

27. l’invité

Pour les fêtes, Lucien a trouvé un petit travail dans un grand magasin du centre ville : Il fait le père Noël et il en est tout content. Il nous a promis de venir chez Roger nous faire voir son déguisement. En temps normal, avec Michel, nous nous serions fait un plaisir de nous foutre de sa gueule bien comme il faut, mais en ce moment, cela va plutôt mal dans notre boite, et dans pas longtemps nous risquons nous aussi de faire les pères Noël. « Déjà qu’ils nous payent avec un lance-pierres, ils vont finir par juste nous donner des pierres, ces salauds. » Nous sommes le 24 décembre, et avant d’aller réveillonner en famille, nous sommes passés dire un petit bonjour au gros. Histoire de faire tourner le commerce. Mais l’ambiance est morose malgré la bouteille de champagne que Roger a sorti pour l’occasion. Nous sommes super bien sapés avec Michel, et cela rassure le patron qui sait qu’il n’y aura pas de bagarre ce soir. D’où sa générosité. Nous buvons tranquilos en fumant nos dernières gauloises autorisées en évoquant le réveillon du 31, « un bordel monstre » comme dit Michel les yeux brillants. Il y a peu de monde ce soir et Roger nous explique qu’il va fermer tôt pour faire un bon repas avec les parents de sa petite poulette dont je n’ai toujours pas retrouvé le nom. (Roger est plus vieux que le père, ambiance !) Après il ferme quelques jours pour aller au ski, mais ça, avec Michel, nous ne voulons même pas l’entendre. Nous allons partir, la bouteille est finie quand arrive l’autre cloche, Lucien en père Noël. Ah il est chouette le père Noël, un vrai cauchemar pour gamin. Bon, il est bourré mais ça ce n’est pas le plus grave, vous n’imaginiez pas que Lucien allait passer la journée avec des mioches sans picoler un maximum, faut pas rêver. Ils payent des directeurs de ressources humaines dans les grands magasins pour embaucher des types comme Lucien ? D’abord il est trop maigre pour faire un bon père Noël, c’est un boulot pour Roger à la rigueur. Et puis surtout, il n’aime pas les enfants. Deux ou trois questions à l’embauche auraient dissipées tous malentendus.
- Putain, j’en ai chié.
Et il se jette sur ce qu’il reste dans mon verre. Son manteau est tout déchiré, il a perdu sa barbe et sa lèvre est fendu. Nous le détaillons en silence et Roger ouvre une autre bouteille. Il se sent coupable de fermer une semaine, je ne vois pas d'autres raisons à cette soudaine générosité. Et Lucien raconte sa journée. L’habillage, puis les gosses, « tous plus chiants les uns que les autres » les canons avec les cloches du coin, et encore les gosses. « sans que les parents me voient, je pinçais les merdeux jusqu’au sang, ça soulage. Ils braillaient comme des porcs à l’abattoir. Et les parents cons comme la lune : Oh le petit ange, il a peur du père Noël, comme c’est mignon. Mignon mon cul oui ! »
Et Lucien a continué a boire tout en pinçant et mordant des enfants qui le bourraient de coups de pieds sournois. Cela faisait envie.
- C’est quand même pas un gosse qui t’a mis dans cet état tout de même ?
- Attends, j’y arrive.
Il est pas pressé ce grand sifflet, il n’a pas de famille. Alors il savoure sa coupette malgré sa lèvre qui commence à enfler. Son œil aussi, que je n’avais pas remarqué au début est en train de changer de couleur. Il est bien esquinté.
C’est en fin de journée, trop alcoolisé pour avoir le sens de la mesure qu’il a mordu un petit teigneux sans voir le père qui se trouvait juste derrière lui. « Il m’a décollé de mon siège et puis je n’ai plus rien compris, il gueulait autant qu’il tapait. Il faisait le double de mon poids, je ne pouvais rien faire, alors entre deux coups j’ai giflé le môme qui était drôlement moche à bien y réfléchir. Cela n’a pas détendu l’atmosphère puisque les vigiles ont déboulé avec des matraques, alors j’ai pris mes jambes à mon cou, et me voilà » Il sourit niaisement pour nous faire découvrir sa bouche édentée. Avec Michel, on se tâte pour savoir si on descend en ville foutre le feu au magasin, mais la famille, les huîtres…
« Il ne va pas se barrer, ce magasin, ne t’en fais pas Lucien, nous te vengerons »
Ce genre de promesse ne mange pas de pain et cela met un peu de baume au cœur de notre pote. Emu j’y vais de ma connerie :
- Tu es seul ce soir viens réveillonner chez nous, il n’y a pas de gosses.
La gueule de Marie quand je suis arrivé en retard avec Frankenstein en invité surprise !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je comprends mieux pourquoi mon gamin hurlait à la mort sur les genoux du père noêl et essayait de le griffer. C'est que mon petit est aussi teigneux que la mère !

Unknown a dit…

Sont parfois bizarres les Pères Noël cette année!
J'ai repris le volant de mes souvenirs mais faudra avoir de la patience, je conduis la plume moins vite que le camion!
Très bonne et heureuse année 2008. Amitiés.