mercredi 20 juin 2007

N°20. Des enterrements.

Les filles sont arrivées vers minuit. Minuit c’est bien leur heure. En général elles sortent du théâtre, du cinéma ou du resto, y’a le choix. Là, c’était resto et bistrot, parce que ça rigolait fort. Elles étaient au moins vingt, j’avais jamais vu cela. Et toutes jolies en plus. Quand Michel les a découvert en revenant des toilettes, j’ai cru qu’il allait se trouver mal.
- Y’a un charter de miss monde qui s’est écrasé dans le coin ?
Personne n’a daigné lui répondre, étant donné qu’on attaquait tous les grandes manœuvres d’approche et qu’il fallait faire ficelle, parce qu’il y avait de la concurrence. Comme si tous les gars du quartier avaient reçu un SMS les prévenant de la présence de toutes ces filles. Ca rigolait dur, vous pouvez me croire. Elles enterraient la vie de jeune fille de leur copine. Une grande, la plus moche en fait, qui était aussi la plus triste, comme si elle réalisait soudain la connerie monumentale qu’elle allait commettre. Il y avait une majorité de blondes, mais moi j’ai jeté mon dévolu sur une petite brune belle à vous briser le cœur. L’inviter à danser à été un plaisir et la baratiner une grâce. Pour une fois que j’entreprenais une femme aussi bourrée que moi, ça roulait sur du velours. Il y avait une ambiance de douce folie dans ce bar et Roger le patron n’y était pas étranger. Manon, sa femme étant rentrée se coucher une heure plus tôt, comme dab, ce fin renard (et réel chien) avait négligemment baissé la lumière tout en sélectionnant une musique de plus en plus douce. Ca partait dans tous les coins, les blondes pliaient sous les assauts répétés de notre petite bande de voyous. Ca dansait, ça riait, ça flirtait et ça bisouillait de plus en plus effrontément. J’allais moi-même placer la botte secrète qui m’avait valu tant de succès (et tant de baffes !) lorsque Maria, la petite brune que je collais comme un malade réagit :
- Mais elles sont folles, on a rendez-vous ici avec leurs mecs, elles ont oublié ou quoi ?
Dès cet instant j’ai su qu’il risquait d’y avoir du grabuge, Maria m’avait parlé de sportifs sans préciser, et j’ai prié pour que ce soit des boulistes. Elle avait aussi eut le temps de me faire comprendre qu’elle était célibataire et j’eus, l’espace d’une seconde, la tentation de l’entraîner loin du chaos que je pressentais, fort de mon expérience de pilier de bars. J’ai essayé de prévenir les potes, mais, allez dire à des morts de soif de boire doucement. Ca devenait le grand lupanar notre rade, et même Roger restait sourd à mes SOS. Malgré mon sens de l’amitié, j’allais entraîner la nouvelle femme de ma vie loin d’ici, lorsque les sportifs sont arrivés. La majorité c’était rugby et les autres, les plus maigres c’était karaté. L’ambiance a tout de suite été électrique. Les sportifs n’en croyaient pas leurs yeux. Roger, voulant bien faire a monté les lumières. Cruelle erreur : Les couples illégitimes qui étaient protégés par l’ombre se sont retrouvés sur l’avant scène. Puis il a coupé la musique. Deuxième erreur ! L’était pas trop inspiré sur ce coup là le patron. Faut dire qu’il lutinait une jolie petite blonde potelée, je ne vous dis que cela : une friandise. Tout de suite les deux clans se sont resserrés derrière leurs caïds. Nous c’était Riton sans discussion aucune, et c’est pas leur montagne de barbaque qui allait nous impressionner. On avait un sérieux avantage sur eux, c’était notre accoutumance à l’alcool, et je voyais bien dans leurs yeux, que comme leurs copines, ils avaient un peu forcé sur la boisson. Y’avait du mou chez ces jeunes gens et cela s’est confirmé d’entrée, quand Riton a mis son coup de boule fétiche à leur vedette. 1-0. Les ailiers ont tenté de déborder de chaque coté, les poings et les chaises ont commencé à valser en rythme. Serré contre ma petite poulette je me tenais en retrait derrière le comptoir, mais pouvais-je décemment laisser les amis dans le besoin ? Surtout que pour le coup, les potes menaient largement aux points. Ca saignait chez nos adversaires alors j’ai empoigné une bouteille qui traînait sur le zinc, et planqué comme je l’étais, je me suis mis à distribuer allégrement les coups de Kronembourg sur les crânes ennemis qui passaient à ma portée. Je ne manquais pas d’embrasser ma nouvelle conquête chaque fois que l’enterrement de vie de garçon et de fille (réussi non ?) m’en laissait l’occasion. Le marié était défiguré, et c’était plaisir de voir comme sa future le regardait avec répugnance. M’est avis qu’il y avait de l’annulation dans l’air. Le combat faiblissait, nos adversaires perdants trop d’éléments et la dispersion allait se produire tout naturellement, lorsque j’ai entendu le patron hurler un : « Martin attention » très explicite. Le temps de me tourner, et j’avais déjà dans le bide, le surin d’un petit vilain, qui vu l’état de son crane, avait dû se lasser de ramasser ma bénédiction à chacun de ses passages près du bar. Un mesquin rancunier à n’en pas douter. Et puis soudain j’ai eu mal, puis froid, et tout s’est arrêté. Comme cela, d’un coup.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Pauvre Martin, pauvre misère,
Creuse la terre, creuse le temps!

Anonyme a dit…

Tu reprendras bien un p'tit coup !

Eloïse a dit…

Ah Ah ! Je vois qu'avec mon commentaire précédent, je ne peux pas cacher ma filiation avec Arobase..!

C'est la seconde fois que Martin nous quitte.. espérons qu'il ait au moins 7 vies !